Du Kosovo au Donbass : Solidarité européenne !

Il y a 23 ans l’OTAN attaquait la Yougoslavie illégalement détruisant toute l’infrastructure civile du pays. Plus de 1 000 personnes ont été tuées dont de nombreux enfants. Vu le contexte actuel il est bien de s’en souvenir.

Nikola Mirkovic est actif depuis plus de 20 ans dans le réseau de solidarité aux populations serbes du Kosovo-Métochie. Par des actions concrètes de terrain, il participe à une chaine durable de soutien aux victimes oubliées de l’OTAN en Europe. En 2014,  il s’engageait  à la mise en place d’une initiative sérieuse pour venir au secours des populations touchées par la guerre en Ukraine. Il nous avait donné à l’époque cette entretien riche d’enseignements aujourd’hui encore. 

Article paru dans le Rébellion 69 ( Mars/Avril 2015)

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R/ Pouvez-vous revenir sur l’origine du conflit qui a entrainé la situation actuelle des populations serbes du Kosovo ?

Les Serbes du Kosovo et de la Métochie connaissent le conflit de manière quasiment ininterrompue depuis le Moyen-Age. Peu de peuples en Europe ont une histoire aussi tragique mêlée de sang, de révoltes et d’un amour farouche de la liberté. La raison pour laquelle les Serbes sont devenus minoritaires sur leur terre est qu’au XVIIè siècle les Albanais ont commencé à apostasier et à se convertir à l’islam. Les Ottomans s’en sont servi pour exterminer les Serbes. Tous les occupants du Kosovo, que ce soient les Ottomans, les fascistes, les nazis, les communistes ou maintenant l’OTAN, se sont appuyés sur les Albanais pour gouverner localement. C’est le problème fondamental qui explique la situation actuelle.

R/ Comment avez-vous personnellement vécu l’agression de l’OTAN contre la Yougoslavie ?

Ma grand-mère m’avait toujours dit que le plus grand problème de la Serbie ne serait pas l’éclatement de la Yougoslavie mais la défense du Kosovo et de la Métochie. J’ai été plongé brutalement dans le conflit en 1999 car des bombes étaient lâchées illégalement sur la population civile. Pouvais-je laisser ma famille subir ça ? Pouvais-je rester les bras croisés et regarder cette injustice internationale se dérouler sous mes yeux ? J’ai beaucoup participé aux activités de sensibilisation en France sur l’illégalité des bombardements de l’OTAN , sur la véritable situation des Serbes et des minorités du Kosovo et j’ai même été bouclier humain sur les ponts de Belgrade pour tenter d’empêcher l’OTAN de poursuivre ses frappes assassines.

R/ Vous pointez du doigt le rôle des services secrets occidentaux dans l’émergence du terrorisme de l’UCK. Quels étaient les liens réels entre eux ?

L’UCK est pratiquement une création des pays de l’OTAN qui lui ont donné sa structure, sa formation et ses armes pour lutter contre les Serbes et contre Belgrade. Nous savons aujourd’hui par de nombreuses sources que les services secrets occidentaux ont piloté l’armée de Libération du Kosovo (UCK) alors même qu’officiellement ce mouvement était considéré comme terroriste par quasiment tous les services de renseignements du monde. Le politologue allemand Matthias Küntzel a démontré comment la construction de l’organisation de l’UCK fut encouragée à partir de 1996 par le Bundensnachrichtendiesnt allemand (BND) qui l’aidait financièrement et détachait du personnel en vue de l’encadrer. Tom Walker et Aidan Laverty ont écrit un excellent article dans le Sunday Times en mars 2000 expliquant comment les USA ont formé les terroristes albanais contre l’armée yougoslave dès 1998, un an avant les bombardements. Il y a même eu un excellentissime reportage du journaliste français Pascal Henry, « Services Secrets : la part d’ombre de la république », montrant les liens très étroits entre l’UCK et la DGSE française.

R/ Les dirigeants albanais poursuivent une épuration ethnique visant à chasser les serbes ( mais aussi d’autres populations non-albanaises) du Kosovo. Accusés de crimes de guerre et de trafics sordides, sont-ils les représentants d’un état-mafia au coeur de l’Europe ?

Oui, c’est une évidence qui ne peut plus être cachée et qui éclabousse toute la hiérarchie politique albanaise et ses mentors occidentaux . Le sociologue albanais du Kosovo Dukagglin Gorani a dit récemment dans la presse albanaise que «le Kosovo est un pays à la dérive, contrôlé par des élites prédatrices. » De nombreuses personnalités non-Serbes qui connaissent le Kosovo l’ont dit comme le Général Canadien Lewis Mckenzie, ancien comandant de la FORPRONU qui dit que l’occident a bombardé la mauvais camp. Le Général italien Fabio Mini, commandant de la KFOR (l’OTAN au Kosovo), déclare que le Kosovo est un pays mafieux. L’eurodéputé socialiste spécialisée dans la lutte contre le crime organisé, Giuseppe Arlacchi, dit clairement que l’UE a créé cet Etat mafieux et ne se soucie que de le cacher. Le rapport du suisse Dick Marty, adopté par le Conseil de l’Europe, n’a de mots assez durs pour qualifier le régime criminel que les US et l’UE ont mis en place à Priština. L’actuel ministre des affaires étrangères et ancien premier ministre, Hashim Thaçi, y est cité 26 fois ! Il faut bien garder à l’esprit que les sommes générées par le crime organisé au Kosovo équivaut quasiment au PIB de la région. Le Kosovo est le modèle type de l’Etat mafieux.

R/ Quel est l’intérêt réel des Etats-Unis au Kosovo et plus largement dans les Balkans ? L’extension de l’OTAN à l’Est ( dès 1989) vise-t-elle à un contrôle total de cette zone face à la Russie ?

Les Etats-Unis avaient besoin de la guerre au Kosovo pour continuer à faire plier Milošević dont le crime majeur était de ne pas céder face aux exigences de Washington. A la chute du rideau de fer les Américains se sont déployés avec une célérité étourdissante pour récupérer à la louche tous les anciens pays communistes dans le giron atlantiste. Depuis longtemps Washington avait identifié la Russie comme un frein sérieux au développement de son hégémonie mondiale. La Yougoslavie, amie de la Russie dans la région, a tenté de résister car elle a toujours était dans une optique multipolaire et non alignée et pensait avoir le droit international de son côté. Mal lui en a pris : le pays aujourd’hui n’existe plus. La Croatie et la Slovénie ont déjà rejoint l’OTAN est la plus grande base construite par les US en Europe, Bondsteel, se trouve au Kosovo. La frontière militaire atlantique se rapproche encore de Moscou. C’est la version américaine du drang nach osten.

R/ La volonté de détruire la présence serbe orthodoxe de la région est une constante des albanais. Quelle forme prit cette folie destructrice ?

Depuis la fameuse bataille du Kosovo Polje en 1389 les Serbes résistent grâce à l’aide de l’Eglise. La défense de la foi passe naturellement par la défense de son patrimoine et il est insoutenable de penser que depuis l’arrivée des soldats de l’OTAN au Kosovo plus de 150 églises ont été détruites pendant que 400 mosquées, essentiellement financées par les wahhabites alliés des US, ont vu le jour. Des églises qui ont survécu 5 siècles sous l’empire ottoman n’auront pas résisté 10 ans à l’occupation de l’OTAN et des Albanais. Les Albanais ont été jadis un grand peuple chrétien des Balkans mais ils ont majoritairement apostasié, la présence des chrétiens au Kosovo leur est très pénible car elle leur rappelle qu’ils ont trahi leur foi. Ces églises sont également très difficilement supportables car elles rappellent, à perte de vue, que le Kosovo est une terre serbe et chrétienne depuis des siècles, il n’y a quasiment pas de grands monuments historiques albanais au Kosovo preuve s’il en faut que cette terre est une terre qu’ils ont envahie. Malheureusement aussi pour les Serbes la plupart des Albanais du Kosovo sont musulmans alors qu’on estime à 30% le nombre d’Albanais chrétiens en Albanie. Au Kosovo tous les Albanais ne sont évidemment pas des mangeurs de Serbes mais leurs « élites » encouragent la discrimination et le crime à l’égard des Serbes et des minorités.

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R/ Dans les enclaves morcelées, un peu plus de 100 000 serbes vivent retranchés. Comment s’organise leur résistance ?

Il y a 50 000 Serbes qui vivent au nord de l’Ibar avec quasiment toute la population albanaise juste au sud. Ces Serbes s’en sortent mieux car ce territoire est contigu à la Serbie et qu’il y a très peu d’Albanais. C’est un bastion de la résistance serbe qui est très hostile à toutes les négociations avec Priština et que l’OTAN n’arrive pas à contrôler. Ce n’est pas du tout la situation pour les quelques dizaines de milliers de Serbes qui vivent au sud ; parfois dans des enclaves de quelques milliers de personnes parfois dans des villages de 100 personnes ou moins. Leur vie est un cauchemar. Ils ne sortent quasiment jamais de leurs enclaves et quand ils le font ils doivent souvent être protégés. Ils survivent avec des dons et ils essayent de vivre sur des lopins de terre de l’agriculture et de l’élevage. Ils sont constamment harcelés par les intimidations, les vols et les violences. Il n’y a pas que les Serbes qui souffrent. D’autres minorités comme les Goranis ou les Roms subissent également des persécutions.

R/ Vous exposez à la fin de votre livre, les options possibles pour libérer le Kosovo. Quelles sont-elles ? Quelle option paraît-elle possible à l’heure actuelle ?

Avant d’être un combat pour la terre j’aime toujours rappeler que le combat pour le Kosovo est un combat avant tout pour la liberté et la justice. Le message du saint roi Lazar avant d’aller affronter le Sultan Mourad Ier provient du songe divin qu’il a eu est qu’il vaut mieux se battre pour le royaume céleste éternel qu’un royaume terrestre périssable. Derrière lui toute sa chevalerie s’est battue et a péri sur le champ de bataille. C’est cette image forte de la confiance et de l’abnégation de ses élites qui a encouragé le peuple serbe à résister tant de siècles et à rester fidèle à sa foi et son droit d’être un peuple libre sur sa terre. C’est ce message du Kosovo qui est le plus important, encore plus important que la défense de la terre. Maintenant il est évident que cette terre gorgée du sang des martyrs et qui est si prégnante dans la culture serbe ne peut pas juste être abandonnée comme ça. Aujourd’hui il existe trois grands axes pour résoudre ce problème: le règlement du problème au sein de la Serbie conformément à la résolution 1244 de l’ONU avec certainement un statut spécial à octroyer à la région. 2. Le partage des terres entre la Serbie et l’Albanie. 3. Et malheureusement la guerre car qui pourrait reprocher aux Serbes de reprendre par la guerre ce que l’OTAN lui a enlevé par la guerre ? Je souhaite une solution pacifique mais il faut être conscient que la situation albanaise et des Balkans en général demeure complexe et explosive. Le nation-building US/UE est un échec total dans l’ensemble des Balkans et ses conséquences, hélas, ne laissent pas présager un avenir pacifique pour la région.

R/ En France, un mouvement de solidarité avec la Serbie existe. Pouvez-vous nous présenter les initiatives à soutenir ?

La France est certainement un des pays au monde qui aide le plus les Serbes par son aide humanitaire et la participation de ses intellectuels au rétablissement de la vérité au sujet du Kosovo. Il faut en être fier car les Serbes ont été très secoués par la participation de la France aux bombardements illégaux de 1999. Pour les Serbes il y a 2 grands peuples frères : les Russes et les Français. En 1999 des hommes et des femmes de tous les bords politiques se sont levés en France pour dénoncer l’agression injuste de l’OTAN et cet esprit perdure encore aujourd’hui. Pour être efficace et concret on peut soutenir l’association Solidarité Kosovo, une association française que j’ai aidée à fonder il y a quasiment 10 ans et que je continue d’aider aujourd’hui . Le but de Solidarité Kosovo est de montrer aux Serbes du Kosovo qu’ils ne sont pas seuls et qu’on peut les aider à rester sur leurs terres grâce à des projets constructifs qui leur permettent de vivre du travail de leurs mains et de rester dignes. Avec plus de 10 000 donateurs français et des antennes en Espagne et en Italie, nous avons financé de nombreux projets qui aident les Serbes à travailler sur place. L’année dernière nous avons participer au financement d’une chèvrerie qui fait travailler des familles et permet de nourrir des centaines de personnes. Cette année nous financerons une ferme dont l’objectif sera le même. On apporte encore des vêtements chauds et des cadeaux aux enfants à Noël mais on ne veut pas développer l’assistanat. Il faut tout faire pour encourager les Serbes à rester au Kosovo malgré le martyre qu’ils y vivent.

R/ Quel parallèle faites-vous avec la situation actuelle en Ukraine ? Assistons-nous au retour des manœuvres secrètes des puissances occidentales ?

J’ai l’impression de revivre les années avant le bombardement de 1999. Ce sont les mêmes ficelles : mensonges médiatiques, surexcitations politiques et, quand on se renseigne mieux, on réalise que la vérité est toute autre. Derrière ces manipulations on retrouve les mêmes acteurs. C’est consternant mais une surprise pour personne. Les US, comme je l’évoquais précédemment, ont la Russie en ligne de mire depuis des décennies et s’en approchent petit à petit. La Russie est redevenue une grande puissance capable de déjouer les tours des US sur l’échiquier politique mondial comme on l’a vu en Syrie et en Ukraine. La Russie est aussi capable de bâtir un monde multipolaire comme on le voit avec la création des BRICs. Ce sont plus que des grains de sable dans l’engrenage américain et si les US perdent leur hégémonie ils devront revoir complètement leur vision unipolaire du monde. Les enjeux pour eux sont colossaux.

R/ Les cinq millions d’habitants des Républiques populaires de Donestsk et de Lougansk sont plongés dans une situation que vous avez dite pire que celle des enclaves serbes du Kosovo. Quelle est la situation sur place ?

Aujourd’hui ces populations vivent un cessez-le-feu globalement respecté. Il y a encore des combats sporadiques de temps à autre mais rien à voir avec ce que cela a été avant. Quand j’y étais en décembre dernier j’ai vu des scènes apocalyptiques d’immeubles éventrés, d’enfants cachés dans les sous-sol et de vieillards affamés. Nous distribuions de l’aide humanitaire sur le front et nous entendions les bombes tomber et les combats se dérouler côté en même temps. Je n’avais encore jamais vécu ça. A l’heure où nous parlons ces peuples veulent tout simplement vivre. Ils ne veulent plus de la guerre et puisque Kiev les a bombardés ils demandent juste le droit de s’organiser et de vivre en dehors de l’orbite de Kiev qui est tombé aux mains de puissances étrangères qui se moquent des intérêts des Ukrainiens en général et qui poursuit une politique suicidaire au nom de l’Europe mais, en réalité, pour les US. Les habitants du Donbass que je connais sont remontés mais il y a un travail incroyable de reconstruction à réaliser. Je ne sais pas si la guerre va reprendre mais il y a des villes et villages entiers à reconstruire et leurs habitants ont besoin de notre soutien et de notre aide.

R/ Le refus de Kiev de reconnaître la spécificité culturelle et l’autonomie de ces deux régions, même après les accord de Minsk 2, laisse quelle marge de manœuvre pour les « russophones » ?

Les Russophones ont, à juste titre, pris peur suite au coup d’Etat organisé à Kiev et ils ont décidé de prendre leur destin en mains. On ne peut pas dire qu’on va construire une nouvelle Ukraine et en même temps interdire le russe comme langue officielle alors qu’il est parlé par une très grande minorité dans le pays. On ne peut pas se déclarer partisan d’un nouveau développement économique et en même temps couper les vivres à une partie de sa population. Finalement on ne peut pas être crédible quand on remplace d’anciens oligarques par de nouveaux et que tout le monde sait que Washington pilote le tout en sous-mains. Les marionnettes américaines à Kiev et leurs supporters néo-nazis se sont tirés une balle dans la tête avec leur stratégie guerrière et les Russophones ont saisi cette opportunité pour montrer qu’ils allaient s’en sortir sans eux. Les défaites militaires infligés à l’armée ukrainienne par des gens ordinaires du Donbass ont aussi permis de galvaniser le sentiment de justice et de fierté des habitants de cette région. Malgré le soutien de l’OTAN, les gueules noires du Donbass ont gagné la bataille sur le terrain jusqu’à Minsk2. Certains aimeraient poursuivre la lutte mais c’est un piège que tend l’OTAN car plus la guerre durera plus elle pourra justifier son intervention et s’approcher de la Russie.

R/ Comment , en France, soutenir concrètement les populations victimes de ce conflit ?

Comme pour le Kosovo nous avons une excellente association française animée par des volontaires issus du Donbass et qui organisent chaque mois des convois humanitaires et des missions pour les victimes du Donbass. L’association s’appelle Vostok France Solidarité Donbass et vous pouvez en savoir plus sur leur site internet www.vostokfrance.org Nous sommes partis ensemble en décembre dernier et y repartirons bientôt. Nous avons de très bons contacts sur place qui nous permettent d’acheminer exactement ce dont les habitants du Donbass ont besoin. Comme pour le Kosovo, on ne peut plus rester les bras croisés devant son écran et vivre cette situation catastrophique à distance. Il faut s’engager.

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A lire :

Nikola Mirković, Le Martyre du Kosovo, Editions Jean Picollec, novembre 2013, préface de Jean-Louis Tremblais, avec deux cartes, index, 196 pages.

Pour soutenir les serbes du Kosovo :

Solidarité Kosovo
 BP 1777 – 
38220 Vizille

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