Les humeurs noires de Charles Vincent : Le capital, la femme et le pantin 

Rappel des faits : Usul, commentateur de gauche s’étant fait connaître en parlant de jeux vidéos avant de produire du contenu plus explicitement politique, pratique l’exhib’ sur Internet avec sa compagne Olly Plum, une geekette tatouée, perçée et scarifiée dont c’est le métier. Une petite polémique bien à l’image de l’époque s’ensuit : n’y a-t-il pas une contradiction entre ces pratiques et le féminisme affiché d’Usul ? Est-il un pornocrate ?

La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste s’annonce comme une « immense accumulation de marchandises »

À rebours de la fachosphère, je veux ici lui apporter tout mon soutien, car il m’apparaît que le pauvre s’est tout simplement fait avoir par plus malin que lui. Il appartient à cette gauche qui, en dépit de sa consommation impressionnante de théorie universitaire marxiste, ou peut-être à cause de celle-ci, se représente le capitalisme sous la forme d’un patron patriarche hétérocisblanc. Lui même « privilégié » en raison de son membre viril, de sa « blanchité » et de son orientation sexuelle, Usul doit déconstruire chacune de ces catégories et expier son identité en écoutant, sans jamais broncher, la litanie des dominés. Pardon, des dominé.e.s. La possibilité que l’un.e d’entre ielles puisse avoir à son égard des sentiments intéressés ne rentre pas dans sa vision du monde. Quant au caractère totalisant et totalitaire du capitalisme, il le concèdera peut-être, mais à condition que cette critique n’empiète pas sur la liberté des dominés, et notamment leur liberté sexuelle.

Le capitalisme selon Usul

Depuis peu youtubeuse elle aussi, sa compagne Olly Plum explique avoir compris à l’adolescence que montrer ses seins via une webcam lui permettait d’obtenir des items utiles de la part d’autres joueurs dans les univers vidéoludiques online qu’elle fréquentait. La découverte de sa capacité à susciter l’attention des hommes s’est donc accompagnée de la prise de conscience des bénéfices qu’elle pouvait en tirer. Puisqu’elle est le produit, son métier de « camgirl » lui donne une compréhension des ressorts du capitalisme moins pédante mais bien plus profonde que celle d’Usul. Elle sait que ses charmes se terniront et qu’il sera plus difficile de les monnayer dans quelques années. D’où la porte de sortie que cette exposition médiatique soudaine lui ouvre : elle pourra bientôt être une commentatrice féministe un peu coquine (sex positive comme on dit en Namérique) à l’image de l’ancienne actrice pornographique Ovidie.

Le monde doit savoir !

Les parcours de ces deux individus se répondent et se croisent le temps de quelques vidéos pornographiques. Olly Plum a tout à y gagner. Usul, c’est beaucoup moins sûr. Son public féminin et LGBT le défendra peut-être, mais tous ses marqueurs de privilège suscités font qu’il sera toujours au mieux un  « allié ». Quant aux mâles, même féministes et de gauche, à moins peut-être de pouvoir s’identifier à son corps assez particulier, ils auront désormais du mal à réprimer une petite grimace de mépris en pensant à lui. Comment prendre totalement au sérieux quelqu’un qu’on a vu bander mou sur Internet ?

Pourquoi Usul a-t-il accepté de servir ainsi de tremplin à sa compagne et de perdre toute crédibilité ? Il s’en justifiera par des contorsions aussi sportives que certaines positions pratiquées dans les films pornographiques. La fameuse liberté, la sexualité à réinventer constamment (pourquoi à l’aide de divers accessoires qui s’achètent en ligne), son cul sur la commode… Mais certainement pas parce que, accédant aux succès féminins vers la trentaine grâce à sa petite notoriété, il reste néanmoins un mâle bêta d’autant plus manipulable que son idéologie consiste à battre sa coulpe !

Pornhub, le site sur lequel la vidéo à l’origine de cette pitoyable affaire a été publiée, est un des 50 sites les plus visités au monde et a une valeur estimée à plus de 3,5 milliards de dollars. Le taux de natalité ne cesse de baisser en France et de façon générale dans le monde occidental.

Charles Vincent 

“Le spectacle est le moment où la marchandise est parvenue à l’occupation totale de la vie sociale. Non seulement le rapport à la marchandise est visible, mais on ne voit plus que lui : le monde que l’on voit est son propre monde. La production économique moderne étend sa dictature extensivement et intensivement”. G. Debord, la Société du Spectacle.

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