Yannick Sauveur : Sortir de l’Otan !

Les journaux titrent La guerre en Europe se gardant bien de préciser que cette guerre en Ukraine ne vient pas de démarrer le 24 février 2022 mais en 2014 et ce sont les Ukrainiens qui sont à l’origine du massacre de 14 000 (selon les chiffres officiels) de leur concitoyens dans le Donbass. Cette guerre n’est pas non plus la première en Europe depuis 1945 ainsi qu’on voudrait nous le faire croire. Une guerre atroce a accompagné dès 1992  le démantèlement de l’ex-Yougoslavie  avec en point d’orgue les bombardements sur Belgrade en 1999.

Il ne s’agit pas ici de prendre parti pour Vladimir Poutine et certainement pas de joindre notre voix au concert des va-t-en-guerre, de  tous ceux qui attisent le feu et poussent à la guerre contre les Russes. Il est question de comprendre comment on en est arrivé à cette situation extrême.

Les demandes  du président russe Vladimir Poutine sont les suivantes : que l’Ukraine n’accueille jamais de missiles américains et qu’elle n’adhère pas à l’OTAN. Ces demandes ont été rejetées par Victoria Nuland qui a déclaré : « Ce sont des décisions qui appartiennent à l’Ukraine et à l’OTAN, pas au Kremlin. »

Mais revenons à l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ou Traité de Washington), signé à Washington le  4 avril 1949 au début de la guerre froide, en réaction au blocus de Berlin exercé par les Soviétiques (juin-juillet 1948). À l’origine, l’OTAN comprend les Etats-Unis, le Royaume Uni, la France, les pays du Benelux, le Canada, le Danemark, l’Islande, l’Italie, la Norvège, le Portugal. Notons que le Pacte de Varsovie (le pendant de l’OTAN) ne sera créé qu’en mai 1955. 

L’OTAN a toujours été un outil au service de l’impérialisme américain et le « parapluie » américain en créant une soumission des pays de l’Europe de l’Ouest a empêché que se crée une véritable Europe souveraine et ayant sa propre défense. Il faut reconnaître cet acte d’intelligence du général de Gaulle qui prit la décision de faire sortir la France de l’OTAN (tout en restant dans l’Alliance atlantique). Du point de vue américain, la « justification » de l’OTAN résidait dans la menace soviétique. Celle-ci n’existant  plus avec la disparition de l’URSS (1991) et concomitamment la dissolution du Pacte de Varsovie (juillet 1991). En toute logique, l’OTAN n’avait plus sa raison d’être. Or, non seulement, l’OTAN continua d’exister mais de surcroît, il continua de s’étendre contrairement aux engagements pris. 

Il n’est pas inutile de rappeler que James Baker, Secrétaire d’État des États-Unis, sous l’autorité du président Ronald Reagan, avait promis à la Russie, par l’entremise de Mikhail Gorbatchev, que l’OTAN allait exclure toute « expansion de son territoire vers l’Est, ou s’approcher des anciennes frontières soviétiques. »Selon les nombreuses sources présentes, il réitéra lors de la signature cette promesse en s’accordant sur l’affirmation de Gorbatchev, selon laquelle l’expansion de l’OTAN est inacceptable, à présent que la guerre froide est terminée, et l’Europe, la Russie et les États-Unis devraienttrouver un terrain d’entente sur la voie amenant à la paix et à la prospérité. Baker avait répondu : « lui et les Étasuniens ont compris que ‘non seulement pour l’Union soviétique, mais aussi pour les autres pays d’Europe, il est important de disposer de garanties selon lesquelles, si les États-Unis maintiennent leur présence en Allemagne dans le cadre de l’OTAN, l’OTAN ne devrait pas bouger vers l’Est, c’est-à-dire ne pas s’étendre vers les pays de l’ancien Pacte de Varsovie.’

Les pays ayant rejoint l’OTAN postérieurement à la fin de l’Union soviétique sont :

-la Pologne, la Hongrie, la République tchèque (1999), 

-la Bulgarie, la Roumanie, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Slovaquie, la Slovénie (2004),

-la Croatie, l’Albanie (2009), 

-le Monténégro (2017),

-la Macédoine du Nord (2020).

L’objectif évident des USA est d’encercler toujours plus la Russie et, pour ce faire, intégrer l’Ukraine dans l’OTAN. C’est là que se situe la ligne rouge pour Vladimir Poutine pour qui il en va de la sécurité de la Russie et celle-ci a besoin d’un glacis sécurisé. Il semble que les négociations étaient bien avancées avec l’Ukraine en vue de son intégration dans l’OTAN. Or, parallèlement, non seulement les Américains restaient sourds aux demandes de Vladimir Poutine mais en plus ils envoient  davantage de troupes américaines chez les alliés d’Europe de l’Est de l’OTAN, les exercices de l’OTAN se déroulent à proximité des frontières de la Russie. Il faut rappeler ce contexte pour comprendre que l’opération militaire russe était l’unique solution pour empêcher l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan. 

Pour mémoire, on rappellera les quelques dernières guerres de l’OTAN :

-1991 : agression de la Yougoslavie,

-1999 : bombardements de la Serbie et du Kosovo,

-2001 : bombardements massifs en Afghanistan, 

-2003 : sans avoir obtenu l’autorisation du Conseil de sécurité, les Etats-Unis envahissent l’Irak avec comme principaux alliés le Royaume-Uni, l’Australie, l’Italie et l’Espagne. Pour une fois, la France a sauvé l’honneur,

-2011 : Intervention en Libye,

-2011… : Syrie, 

-2014 : Coup d’État en Ukraine.

Les politiques ont tous fait leur numéro de prêchi prêcha habituel avec leurs lamentations, leurs excès. 

Voici un florilège relevé dans la presse. Rien d’étonnant à ce que Poutine soit présenté comme un « dictateur » (Jean-Yves Le Drian, ministre français des affaires étrangères sur TF1). « Fou » ne faisait pas encore partie des éléments de langage, et bien, grâce à Milos Zeman, président de la République tchèque,  c’est fait : il a qualifié jeudi l’invasion russe de l’Ukraine d’« acte d’agression non provoqué », estimant que « le fou doit être isolé  (…) Il y a quelques jours, j’ai dit que les Russes n’étaient pas fous et qu’ils n’attaqueraient pas l’Ukraine. J’avoue que j’avais tort (…). Le fou doit être isolé. Et il s’agit de ne pas s’en défendre uniquement par des mots, mais par des mesures concrètes ».

De son côté, celui qui fait office de président et qui n’est pas encore candidat s’en tient à une rhétorique plus classique : Le président Poutine a décidé de « bafouer la souveraineté de l’Ukraine  (…) En ces heures troubles où renaissent les fantômes du passé et où les manipulations seront nombreuses, ne cédons rien de notre unité autour de nos principes de liberté, de souveraineté et de démocratie ». On n’a pas eu droit aux heures les plus sombres de notre histoire ! Signalons tout de même que celui qui se voit déjà en chef de guerre est le premier président de la République (et à ce titre chef des armées) à ne pas avoir fait son service militaire. Et la ministre des Armées, Florence Parly, n’a pas davantage d’expérience de la chose militaire !

On a eu droit aussi aux pleureuses habituelles : Daniel Cohn-Bendit, la députée Paula Forteza, l’eurodéputé Raphaël Glucksmann, le député Cédric Villani, et plusieurs dizaines de personnalités demandent, dans une tribune au Monde, d’envoyer un signal fort à la population ukrainienne après l’attaque de son territoire par la Russie.

Inévitablement, les va-t-en guerre rappliquent dare-dare. Yannick Jadot, et Christiane Taubira, candidats à l’élection présidentielle (normalement) manifestaient devant l’ambassade de Russie. Yannick Jadot s’est dit, favorable à ce que la France et l’Union européenne organisent « des livraisons d’armes » pour l’Ukraine, et prennent de nouvelles sanctions « d’une ampleur exceptionnelle contre Poutine et ses complices, en les bannissant de la communauté internationale ». Interrogé sur l’envoi d’armes à l’Ukraine demandé par l’écologiste Yannick Jadot, J.-L. Mélenchon a répliqué : « Ils [les écologistes] ne sont jamais en retard d’une bêtise. (…) Pensez-vous qu’elle soit en état de résister à la Russie ? Sur le terrain, la guerre est perdue. 

Anne Hidalgo, elle aussi candidate, dénonce « l’attaque brutale ordonnée par Vladimir Poutine » et a appelé à « réagir fermement devant cet acte injustifié et criminel »

Profil bas pour l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle. Belle unanimité, ils ont tous condamné, l’offensive russe lancée en Ukraine  et appelé, pour une majorité d’entre eux, au cessez-le-feu ou à de plus grandes sanctions envers la Russie.

Quid des Zemmour, Le Pen et Mélenchon ? Ils sont bien vite rentrés dans le rang. Crédibilité présidentiable oblige (enfin, croient-ils !)

A l’extrême droite, Eric Zemmour et Marine Le Pen, qui semblaient avoir une certaine admiration pour Vladimir Poutine, ont tous deux réprouvé l’invasion. Zemmour, bien que persuadé que cette offensive n’arriverait pas, « condamne sans réserve l’intervention militaire russe », et il a appelé le chef de l’Etat « à se rendre sans délai à Moscou puis à Kiev pour négocier un cessez-le-feu immédiat ». De son côté, Marine Le Pen a avancé dans un communiqué qu’« aucune raison ne peut justifier le lancement d’une opération militaire contre l’Ukraine par la Russie, qui rompt l’équilibre de la paix en Europe. Elle doit sans ambiguïté être condamnée ». À nouveau dans Le Monde, la candidate du Rassemblement National a condamné « sans ambiguïté la violation de l’intégrité et de la souveraineté de l’Ukraine » par la Russie et appelé à « essayer de trouver les voies d’une résolution diplomatique de cette crise » (…) « Clairement, la Russie a dépassé la ligne rouge (…) Ce que Vladimir Poutine a fait est éminemment condamnable, ça change en partie la vision que peux avoir de lui »

À gauche, le candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, partisan d’une ligne diplomatique « non alignée », lui aussi jusqu’ici persuadé que cette invasion n’aurait pas lieu, a de son côté condamné dans un communiqué le fait que « la Russie agresse l’Ukraine ». Il a appelé, à user de la voie « diplomatique » pour obtenir « un cessez-le-feu immédiat et un retrait de toutes les troupes étrangères d’Ukraine »

Jean-Luc Mélenchon a nié, s’être trompé à propos de la Russie sur France Info, estimant au contraire avoir été, depuis plusieurs années, « le seul à dire que si vous menacez la Russie, elle passerait les frontières ».

S’est-il trompé en affirmant, il y a quelques semaines, que « l’OTAN était l’agresseur » ? « A l’inverse, je suis le seul à avoir d’un bout à l’autre, depuis 2014, dit : “Si vous essayez d’établir l’OTAN à la frontière de la Russie, vous aurez un incident majeur, mieux vaut discuter avant.” »

Et de poursuivre : « Je pense ne pas m’être trompé. J’ai toujours dit pareil : on ne franchit pas les frontières, si vous menacez la Russie, elle passera les frontières. Maintenant qu’elle passe la frontière, ils [les pays occidentaux] n’ont rien prévu et c’est à moi qu’on demande des comptes ? Je trouve ça extraordinaire. » 

En meeting, il s’est montré beaucoup plus virulent (électoralisme oblige !) et sa ligne non alignée mise en sourdine !

Candidate LR, Valérie Pécresse a, elle aussi, (ô surprise !)  « condamné avec la plus grande fermeté » la « guerre entamée par la Russie en Ukraine ». La candidate Les Républicains a demandé à ce que soient prises des sanctions qui « ciblent personnellement les responsables de cette guerre » et que soient convoqués « sans délai l’Assemblée nationale et le Sénat pour débattre de la situation ». Là également (électoralisme oblige !), Valérie Pécresse était ravie de prendre un avantage sur ses challengers Zemmour et Le Pen ! 

Enfin, une petite dernière pour le fun ! Jean-Pierre Chevènement, l’homme qui n’a jamais servi à rien, (dixit Régis de Castelnau) se rallie à Macron : « J’ai décidé d’apporter un soutien républicain à Emmanuel Macron en vue de la prochaine élection présidentielle. Seul lui est à mon sens en mesure, à travers un second quinquennat, de redresser la France et de redonner un sens à la politique. » Pitoyable !

En conclusion, et pour en revenir à l’OTAN, il apparaît plus que jamais que cette organisation guerrière doit sortir de l’Europe. À l’Europe de prendre son destin en mains, de créer sa défense européenne indépendante et souveraine. Dans l’intérêt des peuples européens et de la paix en Europe.

Yannick Sauveur

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