Les Nanotechnologies : Aux frontières du réel ?

La science peut-elle repousser indéfiniment les limites du possible ? Cette question, nombre de têtes pensantes du système se la posent. Sans souci des conséquences, elles poursuivent le but de dépasser les limites que la Nature nous fixe. Leur but : donner un nouvel espace de développement pour le capitalisme. Même si cela doit conduire à la destruction de l’Humanité.

Le collectif «Pièces et Main-Oeuvre» mène depuis dix ans un travail d’analyse et d’information sur les applications des nouvelles technologies par le système. Nous présentons ici une synthèse de ce travail pour nos lecteurs et nous les encourageons à découvrir l’ensemble de leurs travaux. ( article paru dans le Rébellion 47 )

Les nanos à l’assaut du monde…

Mais qu’est-ce que les nanotechnologies ? Le préfixe «nanos» (“nain” en grec ancien) fait référence au milliardième de mètre, soit environ un cent millième de l’épaisseur d’un cheveu. Né en 1981 dans le laboratoire d’IBM de Zurich, le microscope à effet tunnel est le premier outil à avoir permis l’observation de la matière à l’échelle de l’atome, entre 0,2 et 0,3 nanomètre. A l’aide d’une sonde métallique, il «palpe» la surface à étudier et permet une manipulation des atomes.

Les nanotechnologies concernent la fabrication et la reproduction de mécanismes et de produits élaborés de toutes pièces à partir d’atomes ou de molécules. Le matériel génétique et la matière inerte deviennent ainsi un jeu de legos manipulables à volonté, dans les nanos-usines du futur. Exactement comme la nature produit des arbres, des montages et des être vivants avec de la matière première moléculaire. Il ne s’agit plus de refaçonner les éléments puisés dans l’environnement mais bel et bien d’instaurer une nouvelle nature : des nanorobots capables d’auto-reproduction et programmés pour assembler atome par atome les matériaux . La nanotechnologie est à la matière inerte ce que la biotechnologie est au vivant. La recherche sur les nanotechnologies s’intéresse actuellement surtout aux molécules de carbone, mais elle pourrait s’étendre à la table complète des éléments. Entre dix et cent nanomètres notamment, la nature réalise de nombreuses machines moléculaires. D’où la continuité entre bio et nanotechnologies, aboutissant aux nanobiotechnologies. Les chercheurs savent déjà manipuler des bactéries pour leur faire produire des substances particulières, notamment médicamenteuses. En manipulant atomes et molécules un à un, on revient au stade antérieur à l’apparition de la vie. Autrement dit, si je peux rassembler comme je veux atomes et molécules, je peux créer une autre vie : virus artificiels, connexions entre nerfs et ordinateurs, transparence absolue du génome, machines microscopiques et donc invisibles, biopuces fournissant instantanément des informations sur notre patrimoine génétique et notre état de santé …

Quand l’oligarchie recherche à survivre

Les applications des nanotechnologies sont déjà présentes dans notre vie quotidienne. L’informatique, la téléphonie et la RFID ( « Radio Frequency IDentification » – identification sans contact par des puces électroniques. ) connaissent déjà les retombées des recherches sur cette nouvelle technologie. Même si certaines applications des nanos sont futiles (comme l’électro-ménager “intelligent”), d’autres sont plus inquiétantes et révèlent les objectifs de ceux qui les financent.

Déjà, des laboratoires fournissent au complexe militaro-industriel des nouvelles armes de destruction ciblées. Des nanos dronesi poursuivant leur cible sans le moindre répit laissé aux «armures» protègent et décuplent le potentiel physique des soldats d’élite, cet arsenal est déjà en possession des Etats-Unis. Couplé aux nouvelles technologies du fichage (rendu possible par les puces RFID ou la biométrie), on comprend vite que le système a la capacité de mettre en place un techno-totalitarisme encore plus difficile à combattre. Les personnes qui tentent de nous alerter sur ce risque sont souvent traitées de paranoïaques, mais les « paranos » peuvent aussi avoir raison…

Cette technologie est donc aux mains des puissants, de l’Oligarchie qui tente d’assurer sa survie. Elle compte bien en tirer de futurs profits, ces nouvelles sciences du XXIe siècle – génétique, nanotechnologie et robotique- pourraient bien créer un masse gigantesque de nouvelles richesses, peut-être de l’ordre d’un million de milliards de dollars. Cette prodigieuse création de richesses, accompagnée des autres impacts des nouvelles technologies, débouchera dans le rêve du capitalisme sur des changements infiniment plus importants que ceux des deux premières phases de la révolution industrielle. L’investissement privé dans le domaine est déjà colossal, mais pas seulement. Le gouvernement américain, de son côté, injecte chaque année 600 à 700 millions de dollars dans ce secteur. L’Union Européenne (avant la crise) allouait 700 millions d’euros à des groupes de recherche sur la question pour permettre de rester dans la course.

Circulez, il n’y a plus de débat possible …

Le fait de lâcher dans la nature des techniques capables de modifier totalement le vivant est plus qu’inquiétant. On n’en connaît pas encore les retombées possibles et tout est fait pour les minimiser. Nous pensons pour notre part que cela est d’autant plus surprenant si l’on considère l’état actuel de la réflexion épistémologique contemporaine sur la connaissance que les sciences expérimentales peuvent avoir du réel. L’idée d’un déterminisme absolu régnant dans la nature et que seule l’imperfection de l’esprit humain empêcherait de cerner totalement (1), paradigme scientifique issu de la physique classique depuis le 17° siècle, a été amplement critiqué et dépassé par le modèle d’un déterminisme statistique voire parfois opposé à de l’indéterminisme présent au coeur du réel. La science ne saisirait qu’un “réel voilé” (B. d’Espagnat). Alors comment prétendre dans ces conditions que les techniques, elles-mêmes étant par nature toujours porteuses d’une marge d’imperfection, n’engendreront que des conséquences entièrement maîtrisées alors que la théorie elle-même n’est pas en état de les prévoir?! Il existe en fait un décalage inouï entre les connaissances théoriques des sciences de la nature et leur épistémologie d’une part, et la pratique scientifique financée, orientée par le capitalisme en vue de la domination technique du réel, d’autre part. La réflexion théorique fondamentale est déterministe statistique, probabilitaire, le discours idéologique est déterministe-mécaniste, scientiste, et l’application technique est chaotique, désastreuse sur le plan écologique.

Un débat public avait été lancé en France sur la question ; le Gouvernement l’avait inclus dans le cadre du «Grenelle de l’Environnement» . En 2010,17 villes françaises accueillirent cette consultation populaire censée ouvrir la voie à un examen démocratique et indépendant des applications liées aux Nanotechnologies. Comme le rapporte Julien Teil dans l’un de ses articles, le débat est dès le départ verrouillé par ceux qui ont intérêt que cette technologie soit acceptée par la société. Sous hautes surveillances policières, ces consultations ont été marquées par une forte propagande de lobbys commerciaux et scientifiques qui veulent que la marche vers le «nanomonde» soit irrémédiable.

Selon l’analyse de Julien Teil, «la mise en place de ce débat n’est donc pas un préalable à une concertation populaire. Il semble obéir à d’autres attentes, et n’être qu’un moyen d’obtenir habilement le consentement de la population: seuls les mécanismes de gouvernance peuvent être discutés. L’avis du peuple concernant le développement des nanotechnologies a certes droit de cité mais est en revanche mis à l’écart par l’encadrement inéquitable du débat. Car les nanotechnologies sont déjà là, et le resteront. Il nous est simplement proposé de donner notre avis sur le mode de régulation le plus adapté ainsi que sur les lois qui en découleront». Comme pour le nucléaire ou les OGM, le but n’est pas de donner à la population des outils d’analyse sur le sujet mais de présenter la situation sous le contrôle des experts et des scientifiques (qui sont loin d’être unanimes sur l’aspect anodin de ces technologies. « Nous ne sommes déjà plus tout à fait humains, nous qui abandonnons notre prérogative d’humains (le libre arbitre) à leurs manipulations » déclare le collectif Pièces et Main d’Oeuvre…
NOTE :

1) Le scientifique français, Laplace, avait résumé au début du 19° siècle la conception du déterminisme issu de la physique newtonienne de la façon suivante : une intelligence surhumaine disposant de la connaissance des positions et des forces d’impulsion concernant tous les atomes présents dans l’univers à un instant donné pourrait remonter jusqu’aux causes les plus lointaines ayant engendré la situation présente dans la nature et pourrait légitimement prévoir tout ce qui adviendra dans le futur de celle-ci. Le monde physique est comme une horloge qui a été remontée une fois pour toutes et qui marche automatiquement.

Pour aller plus loin sur le sujet :

Les livres de Pièces et Main d’Oeuvre parus aux éditions de l’Echappée :

  • Le téléphone portable, gadget de destruction massive
  • RFID : la police totale. Puces intelligentes et mouchardage électronique

  • Aujourd’hui le nanomonde. Nanotechnologies : un projet de société totalitaire

  • A la recherche du nouvel ennemi. 2001-2025 : rudiments d’histoire contemporaine

Le site du collectif : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/

Julien Teil, Le Débat Public sur les nanotechnologies adémocratiques,article disponible sur le site http://www.legrandsoir.info

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