Entretien avec Arnaud Nîmes : Le porno n’est qu’une illusion…
En ce temps de confinement, l’industrie du porno est en pleine offensive pour exploser ses bénéfices. Arnaud Nîmes détruit son mythe à travers son analyse de la « métasexualité ».
R/ Arnaud Nîmes qui es-tu ?
Par les temps qui courent je suis un homme au foyer de moins de 50 ans ! Plus sérieusement je suis versé dans les sciences humaines depuis longtemps. J’ai écrit le roman « La morale de l’histoire » en 2007 aux éditions Alexipharmaque. L’omniprésence « du cul » dans notre quotidien m’a interpellé depuis des années. L’analyse économique générale me paraissait incomplète… Le sexe ne sert pas uniquement à vendre ou se vendre… J’ai alors l’idée de la métasexualité.
R/ La métasexualité qu’est-ce que c’est ? Un concept ?
Oui. C’est l’idée selon laquelle certaines fonctions assurées jadis par les religions sont désormais pris en charge par l’imaginaire sexuel, la métasexualité. Par exemple la définition du bien et du mal ou encore ce qui est permis et interdit de faire, la valorisation sociale des individus… La sexualité était déjà un discours sur le sexe élaboré par les religieux puis les médecins. Or, depuis le XVIII°s la sexualité elle-même a été dépassée par la métasexualité : un idéal de vie (des dogmes donc) issus du libertinage des Lumières (liberté, science, mort de Dieu)… Par exemple actuellement l’intimité des gens est plus influencée par les standards de la pornographie que par les morales catholique ou islamique. C’est là l’originalité de l’analyse : voir dans la métasexualité une nouvelle « religion » (mélange de croyances et de pratiques qui relient). Cette innovation conceptuelle fait sens dans la mesure où depuis des décennies déjà la sexualité (non réalisée mais projetée) a envahi l’ensemble du corps social : après « tout est devenu marchandise », « tout est devenu sexuel ».
Les travaux de Freud n’ont été que l’introduction à une sexualisation généralisée des échanges. Personnes âgées, handicapées, détenues, etc. tout le monde demande un droit à la sexualité. Aujourd’hui être asexuel revient à être un paria. Personne n’ira avouer publiquement qu’il ne peut ou ne veut pas avoir de rapports sexuels. Alors qu’objectivement le sexe n’est vital qu’au niveau de l’espèce. Qui ira dire qu’il ne regarde jamais de vidéos pornographiques ?
R/ Pourtant la pornographie a toujours existé !
Oui mais son importance, sa diffusion et ses fonctions ont changé : avant le XVIII°s la pornographie était une sous-culture marginale et méprisée. Le premier virage date des années 1970 quand des films X sans aucune envergure décollent au box office, par exemple « Gorge profonde » en 1972 qui n’est jamais qu’un minable travail financé par la mafia ! Moins de 15 ans plus tard le X arrive en France à la télé en 1984 dans l’enthousiasme général. Dès lors une large partie des gens ordinaires ont le X comme une référence parmi d’autres. Comme toute les religions efficaces la métasexualité parle à toutes les classes sociales… Désormais c’est une culture aussi noble que les autres et souvent déterminante par exemple dans la forme des premiers rapports sexuels. On consomme du X comme du sucre au temps des colonies, en fermant les yeux sur son côté esclavagiste…
R/ De quoi profite la métasexualité pour s’imposer ?
Comme toute nouveau système religieux elle bénéficie du déclin des cultes installés et surtout des mutations technologiques : de l’invention de l’imprimerie à la généralisation d’internet les informations circulent plus que jamais, or, la métasexualité est un ensemble d’images à imiter… Il n’y aurait jamais eu de protestantisme sans l’imprimerie et la bourgeoisie.
La métasexualité a plusieurs points communs avec le protestantisme : elle s’adresse à l’individu, est décentralisée et en perpétuelle adaptation au Marché. Comme toutes les religions à vocation hégémonique elle déclare aussi s’auto-réglementer par exemple en proscrivant en apparence la pédophilie ou les vrais viols.
R/ Quel avenir pour cette nouvelle religion ?
Celle de toute les religions : elle va se développer dans le vide béant créé par nos sociétés dites « développées » (des ministres admettent facilement que les sites X vont être plébiscités pendant le confinement) mais aussi en décevoir certain(e)s. Face à ses impasses ou ses insuffisances elle produira aussi ses extrémistes. Les intégrismes des « anciennes » religions sont une sorte de réaction face à l’apparent chaos qu’entraîne la modernisation des sociétés féodales. Les islamistes sont, à leur façon, aussi des obsédés sexuels. Certains n’hésitent pas d’ailleurs à utiliser des arguments métasexuels pour recruter. Le mythe des vierges attendant les martyrs au paradis circule en dehors des sex-shops…
R/ Si la métasexualité est déjà partout que faire ?
La même chose que devant une publicité vulgaire quelconque : douter pour s’en libérer.
Les textes d’Arnaud Nîmes sont disponible sur http://quefaire.e-monsite.com/