Editorial du Rébellion 89 : le poids des mots, le choc des actes

La quête du sens. C’est au fond cette entreprise qui anime les pensées et les actes de tout individu ou groupe affilié, bon gré mal gré, à la catégorie des « radicaux », des « extrémistes » ou des « révolutionnaires ». Ces notions, toutes regroupées par un mode de gouvernance uniforme, constitué en un bloc « se voulant » monolithique (il est important de préciser qu’il ne s’agit que d’une volonté, autrement les failles ne seraient pas aussi visibles), ont été regroupées dans une bouillie informe qui consiste à incruster dans l’opinion commune l’idée selon laquelle un radical vaut un extrémiste qui lui-même est un révolutionnaire. Pourtant, ces trois notions n’ont pas tout à fait le même historique, les mêmes conditions de naissance et ils n’ont certainement pas les mêmes objectifs. L’évolution des luttes et des stratégies d’endiguement de ces luttes au sein des territoires français et francophones ont été, pour nos dix dernières années, plutôt fécondes du point de vue de l’analyse que nous devons en faire, des constats à en tirer et des conclusions à ne surtout pas hâter. Les attentats perpétrés de 2012 à 2016 sur le sol français revendiqués par des terroristes se réclamant de l’Etat Islamique, les révoltes massives de Gilets Jaunes débutées en novembre 2018 jusqu’au surgissement tout récent de la crise sanitaire du COVID-19 (prenant effet en France en mars 2020) et de la déferlante « antiraciste politique » post-confinement (implantation de l’idéologie Black Lives Matter en France via le comité « Justice pour Adama »), sans mentionner la montée en flèche de la métapolitique et le renforcement du conspirationnisme : tout cela ne peut être interprété comme la manifestation univoque d’une lutte contre le Grand Capital. Il suffit de se focaliser au minimum sur les lignes politiques nées de chacun de ces épiphénomènes, et sur le degré spectaculaire de leur mode d’expression, pour se permettre d’avancer un tel constat.

A travers ce dossier « Rébellion », c’est une réflexion portée sur les notions de « Révolution », de « Radicalité » et d’ « Extrémisme » qui sert de fil rouge à l’ensemble des textes proposés. Il s’agit d’ailleurs plus précisément d’une réflexion sur l’usage de ces notions, volontiers transformées en gage de qualité au profit du groupe ou de l’individu qui s’en réclame (le « label dissident »), ou bien au détriment de ces mêmes groupes et individus si c’est au tour de l’appareil d’Etat de les fixer via les normes (avec les notions de Bien et de Mal qu’elles recouvrent) et l’exercice de la Loi (et de la répression qui en découle). Par le biais de cette présentation de textes écrits parfois quelques mois avant le confinement obligatoire et qui parviendront au lecteur quelques temps après le déconfinement et peut-être avant un deuxième, l’OSRE joue le jeu d’une articulation entre l’analyse du « temps long » et le bouillonnement de l’actualité, mais aussi celui de la libre expression, même lorsque celle-ci prend le risque de contredire voire de sortir de la ligne socialiste-révolutionnaire qui est la nôtre, engageant alors une posture pouvant être interprétée par les idéologues les plus étriqués de « confusionnisme ». Nous répondrons à ceux-ci que c’est du magma sans visage que renaîtra l’humanité émancipée de toute tutelle, celle qui préférera embrasser la totalité du monde que d’en limiter orgueilleusement la vision.

Ainsi, nous nous intéresserons autant aux positionnements marxiens post-conseillistes actuels qu’aux défenseurs marxistes-léninistes de « l’action directe », en passant par les Gilets Jaunes apartisans et les Blacks Bloc anarchistes, sans oublier l’évolution du Front Noir. Puisque s’il s’agit bien de courants divergents, et que nous avons bien compris que les horizons qu’ils projettent sont plus ou moins circonscrits par les limites de ce qu’on appelle l’Idéologie, il n’en demeure pas moins que ce qui fait communément vibrer ce patchwork est ce désir souterrain de justice, d’émancipation et de jouissance. Nous sommes en droit, et en devoir, d’en restituer les aspirations particulières pour trouver ce qui peut y avoir de commun, au regard d’un monde capitaliste conscient de son effritement et qui est prêt à user de tous les derniers ressorts pour se maintenir. C’est en effectuant, le temps d’un dossier, ce travail qui ne se présente pas d’emblée comme partisan et propagandiste en se tournant volontairement vers la prospective, que nous entamons un chemin de lutte qui se clarifie avec le temps…

Rébellion

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