Vidéos : la conférence de David L’Epée et d’Isabelle Suiste sur « Féminisme, puritanisme et confusion des genres »
Le 19 Mai 2018 le cercle Rébellion Bordeaux accueillait une conférence co-organisée avec la revue Éléments sur le thème du « néo-féminisme » et des dérives qu’il porte en lui. Tour à tour, Isabelle Suiste et David L’Epée, tous deux contributeurs à Rébellion se sont exprimés devant public attentif qui s’était déplacé malgré le week-end de l’ascension. Retour sur les interventions de nos deux conférenciers.
La Conférence s’ouvre sur l’intervention d’Isabelle Suiste, collaboratrice de la revue ayant étudié l’histoire du genre et de la féminité, Genres Troubles. Le ton est donné dès les premiers mots : il ne s’agit pas ici de démonter une énième fois la fameuse théorie du genre, mais bien de réfléchir aux causes et conséquences de l’idéologie queer, et ouvrir le débat de façon dépassionnée. Partant du postulat que le genre est la somme des comportements et représentations socio-culturelles liées à l’un ou l’autre sexe biologique et non pas un déni du biologique, l’intervenante nous a proposé dans un premier temps un retour sur l’histoire de la remise en cause de la notion de genre dans les milieux féministes et de la recherche. Selon elle depuis le XIXe siècle, trois phénomènes ont contribué à une mutation sur le temps long des rôles genrés et semé la confusion entre masculin et féminin : L’accès des femmes au monde du travail, le puritanisme et la société de consommation. Le premier en bousculant les rôles économiques traditionnels au sein du foyer, le deuxième et le dernier en figeant les représentations du masculin et féminin de façon caricaturale au niveau symbolique et matériel.
Ce bouleversement à ensuite été renforcée par l’acquisition de nouveaux droits, légitimes, et le changement des modes de vie qui font qu’a l’heure actuelle, les différences de genres ne sont presque plus que cosmétiques, le parcours d’une femme étant très semblable à celui d’un homme tant dans son éducation, sa vie personnelle ou sa carrière. Elle nous a exposé ensuite un point de vue personnel sur la théorie queer et l’impact, parfois dévastateur, qu’elle peut avoir, notamment sur la jeunesse qui s’empare d’une réalité médicale et/ou psychiatrique comme phénomène de mode, et donc comme terrain d’expansion du Capital, avec la vente d’hormones de transition et d’opérations de chirurgie esthétique. Située dans le phénomène toujours grandissant de la déconstruction initié entre autre par Foucauld, cette théorie queer ne serait finalement pas un des motifs de la perte des repères traditionnels qui s’opère de nos jours, mais bien l’un de ses symptômes, et rien ne sers de combattre la fièvre si l’on ne s’attaque pas au véritables causes du mal, à savoir la perte du sens du Sacré.
Prenant la parole à la suite d’Isabelle Suiste, David L’Epée, que les lecteurs de Rébellion peuvent suivre depuis une douzaine d’années dans les pages de notre revue et qui collabore régulièrement aux revues Eléments et Krisis, s’est penché sur la mutation puritaine du néoféminisme. Annoncée sous le titre Face au nouvel ordre moral : critique et dérision, son intervention s’est ouverte par une réflexion sur l’humour, devenu ces derniers temps une des cibles prioritaires de la pénalisation exercée, avec le soutien des pouvoirs (principalement politique et médiatique), par les apôtres de la déconstruction. L’esprit de sérieux qui domine aujourd’hui, la défiance sourcilleuse qui règne envers toute forme d’ironie et de second degré appelle de la part des gens ordinaires un grand rire libérateur, un rire qui, loin d’être un simple échappatoire, se présente aussi désormais comme une forme de résistance. Revenant aux sources idéologiques plus anciennes de ce tournant puritain, l’orateur a démontré que cette influence fâcheuse nous venait, depuis plusieurs décennies, du monde anglo-saxon et des pays scandinaves par la médiation de certains courants universitaires. Nouvelle résurgence de la vieille pudibonderie victorienne, ce néo-féminisme nordique se caractérise par une forme aiguë de somatophobie (haine du corps) qui, après s’en être pris à l’homme au nom de la lutte contre le patriarcat et la phallocratie, s’est ensuite retournée contre la femme au nom de la négation du donné naturel et d’un certain mépris pour une féminité vue comme nécessairement aliénante. Sans surprise, c’est également de ces territoires-là que nous viennent toute une série de mesures répressives (judiciarisation extrême des rapports hommes-femmes, appels à la délation, censure, réécriture des ouvrages scolaires, épuration du patrimoine littéraire et cinématographique, tentative de rééducation des esprits indociles, etc.). Ces mesures sont portées par des idéologues qui, avec la bénédiction des autorités, tentent de s’imposer en France à grand renfort de nouvelles lois liberticides, soutenus dans leur entreprise par les instituts d’études genre et les subventions de l’Union européenne.
Illustrant ses propos avec une revue de presse éloquente d’événements récents dont le caractère ubuesque pourrait prêter à rire (ce que n’a pas manqué de faire le public), David L’Epée s’est proposé de décrypter ce qui se cache derrière les nouveaux anglicismes utilisés par les journalistes : no-platforming, consent theory, sensitive readers, date rape, slutshaming, trigger warning, visual harassment, safe rooms… Le nouveau féminisme universitaire, nourri à l’idéologie du genre et aux thèses de l’intersectionnalité, est celui qui, aujourd’hui, décroche les toiles de maîtres des grands musées sous prétexte de lutte contre le sexisme, celui qui soumet les étudiants à des contrats écrits préalablement à toute tentative de flirt, celui qui veut rendre la langue inclusive pour mieux désexualiser les rapports humains, celui qui voit une expression de « paternalisme lubrique » derrière chaque mot d’esprit un peu leste, celui qui amalgame systématiquement hétérosexualité et viol, celui qui pathologise le désir masculin et qui voudrait abattre la galanterie, la séduction et le principe même de la différence des sexes. David L’Epée a terminé son intervention en proposant quelques pistes philosophiques qui pourraient constituer une offensive contre la vision du monde répressive et puritaine du néo-féminisme. En s’appuyant sur la phénoménologie, il a appelé à un retour en grâce d’une vision différentialiste, dans une optique d’épanouissement commun et de complémentarité, rappelant qu’il a toujours existé au cours des siècles, sous des formes différentes, une spécificité française du vivre-ensemble des sexes. Seule une réconciliation des modernes avec la nature (celle de l’écosystème comme celle de nos corps et de nos identités sexuées) permettra selon lui de sortir par le haut de cette artificielle et dommageable guerre des sexes.
Le public, très réceptif, à ensuite pu poser, comme le veut la tradition, de nombreuses questions pertinentes qui ont permis aux conférenciers de préciser certains points, ou d’aborder des sujets plus larges, comme l’écoféminisme ou le paganisme. La conférence ayant été enregistrée, elle est disponible en ligne.
L’équipe de Rébellion remercie encore les intervenants, et appelle à l’organisation de nouvelles conférences pour l’année militante à venir, à Bordeaux et ailleurs ! Les conférences et différentes rencontres sont une occasion pour nous de faire le lien avec nos lecteurs.
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