Les poubelles sont à leurs portes !
Ces derniers jours à Paris ont été marqués par l’amoncellement des ordures sur la voie publique, en raison de la grève des éboueurs. Les rues vomissent leurs déchets, donnant la nausée à la population des quartiers aisés : alors qu’elle-même tire profit du tiers monde philippin pour l’hygiène de ses appartements calfeutrés, elle peste contre ces travailleurs qu’elle juge toujours plus prompts à la grève qu’à l’excès de zèle
. C’est oublié que ce sont les prolétaires qui assument le principe de réalité pour elle, pendant qu’elle vit épargnée de la matière excrémentielle de la vie quotidienne du plus grand nombre, tant sur le plan symbolique que physique : du labeur déshumanisant, de la pauvreté, de la violence, d’une partie de la laideur du monde aussi. Son confort repose sur l’affairement de petites mains qu’elle aime rendre invisibles ; elle chasse de chez elle les ordures comme elle le fait de la pénibilité du réel, mais elles ont fini par la rattraper : les poubelles sont à leurs portes !
A nous maintenant de les catapulter bien plus haut, au-dessus des remparts du pouvoir. Car rappelons-le : la grève isolée est inutile, de surcroît si on ne saisit pas que la réforme des retraites n’est qu’un énième appendice d’une machine à détruire. Car ce n’est pas Macron, ce n’est pas le gouvernement, ce n’est pas la réforme, c’est la brutalité structurelle d’un système tout entier dont il faut prendre la mesure. L’inhumanité lui est consubstantielle : on doit cesser de quémander des réajustements, des amendements, en croyant pouvoir lui donner bonne conscience.
L’ennemi n’est pas tant le gouvernement que le système capitaliste tout entier, exigeant de nous une attitude radicale : on n’attend rien des politiques, on n’attend rien des syndicats, on n’attend rien de la mythologie démocratique, on n’attend rien de la police, mais on attend tout de nous-même : la révolution par auto-abolition de notre condition d’asservissement, pour nous permettre de… jeter les ordures avec les ordures !
Camille Mordelynch