L’avenir de Rébellion : Rébellion dans les ténèbres du Kapital Yuga
Les textes sacrés de l’hindouisme parlent de quatre âges (Yuga) qui régissent les cycles cosmiques. Le Satya Yuga représente l’Âge d’or, où les humains vivent en lien étroit avec les dieux, et où le sacré irrigue tous les plans de la réalité. Celle-ci est accessible à tous, les capacités des humains de cette période étant immenses.
Les âges suivants marquent une dégradation de la condition humaine, avec l’apparition de divisions, des guerres, de l’ignorance et la lassitude. Nous sommes désormais arrivé au célèbre Kali Yuga, l’Âge le plus sombre. Plusieurs textes sacrés et épopées décrivent dans les détails cette époque caractérisée par toutes sortes d’inversions, de désacralisations et de conflits. Le monde est dominé par les principes inférieurs et par la matière la plus brute. La caste la plus basse, celle des shudras domine. Le Vishnu Purana, nous dit qu’ils se prendront pour des Brahmanes et feront l’éloge de doctrines les plus fausses.
Depuis que René Guénon et Julius Evola ont popularisé en Occident le concept de Kali Yuga, tous ceux qui s’intéressent à ces doctrines répètent sans cesse que nous y sommes. Ce qui n’est pas faux, même si leur compréhension du Kali Yuga est extrêmement sensible et émotive (exactement ce contre quoi les textes sacrés mettent en garde). Dans leur vision, il est mis en avant seulement le versant dégénéré de cette ère.
Or, il y a deux éléments qui sont peu abordés à propos des Yuga, et plus particulièrement du Kali Yuga. Le premier est celui du problème de la continuité entre les Âges. Comment se fait le passage de l’un à l’autre ? Pour l’expliquer, l’hindouisme a développé les concepts de « sandhyā », traduisible par « crépuscule » et de « sandhyānsa », « aube ». Il s’agit de périodes assez courtes, caractérisées par des incertitudes et des inquiétudes, mais d’où peuvent également surgir de grands événements et des surprises. D’une certaine façon, ce qu’est présent dans le crépuscule, ce qui demeure et ne disparaît pas, prépare l’aube du nouvel Âge.
Le second élément est celui de l’essence du Kali Yuga. On ne peut pas s’y opposer, car il faut que ce qui doit tomber, tombe. Cet Âge présente des avantages, et le Vishnu Purana ne perd pas d’occasion pour le souligner. Par exemple, ce qui prend beaucoup de temps pour être appris (le Véda, avec ses vérités éternelles) durant le Kali Yuga l’est beaucoup plus rapidement. En outre, les principes supérieurs n’ont jamais disparu ; ils sont encore là, et quelques individus pourront les comprendre, les garder et ainsi les transmettre aux hommes du cycle suivant.
Rébellion porte bien son nom. Je suis de l’idée que, porté par des jeunes enfiévrés en 2002, ce titre fut choisi intuitivement. Il recèle d’autres significations, plus profondes que celles de la simple révolte frontale contre ce système qui ne nous convient pas et que nous ressentons aux abois. Notre rébellion est celle qui nous fait vivre pendant le crépuscule, et qui nous tient éveillés jusqu’à l’aube.
Je crois qu’il y a vraiment peu de revues qui puissent mettre ensemble des contributeurs aux horizons si différents et aux histoires de vie si singulières. Socialistes-révolutionnaires, cathos tradis, pérennialistes, nationaux-bolcheviques, eurasistes, nationaux-révolutionnaires, athées, anarchistes de droite et de gauche. Leur point en commun ? La rébellion pour la justice – et nous savons très pertinemment qu’il n’y a pas de justice pendant le Kali Yuga.
Ce n’est alors pas étonnant que cette revue s’intéresse toujours plus à la dimension spirituelle et traditionnelle ( au sens noble du terme latin tradere, transmettre, ce qui assure le renouveau des générations et des cycles) de la vie. Dans le Kali Yuga, où matérialisme et consumérisme dominent les âmes, les asséchant, l’étincelle de la révolte ne peut qu’être transcendantale, spirituelle. L’image qui hante Rébellion est sans aucun doute celle de Jésus chassant les marchands du Temple. Rébellion est composé de personnes qui ont platoniquement choisi de naître en plein milieu du Kali Yuga pour rester debout malgré tout et conserver, avec leurs moyens, ce qui vaut la peine d’être gardé.
Rébellion est en définitive un laboratoire d’idées nées dans le sandhyā du Kapital Yuga pour préparer, dans l’avenir, le sandhyānsa d’une ère meilleure, où l’humain peut lutter efficacement contre la toute-puissance de l’Or afin de rendre la place qui est due à l’Esprit.
Maxence Smaniotto
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