L’Afghanistan, tombeau des empires
En Afghanistan comme ailleurs, le modèle de démocratie libérale que l’Occident à tenter d’imposer durant vingt ans s’effondre. Avec lui ce sont toutes les justifications qui sont à la base de ses agressions impérialistes qui se révèlent n’avoir été qu’une vaste mythologie au service d’une pseudo religion démocratique de type libérale. La doctrine des « guerres humanitaires » pour la défense des Droits de l’Homme était le socle idéologique permettant de rendre acceptable des aventures guerrières qui n’avaient au départ que des raisons économiques ou géopolitiques. Paradoxalement, personne, y compris ceux que ces narrations les avaient fabriquées, n’a jamais crus dans ce genre de balivernes qui fuit pourtant le discours officiel de toutes les démocraties occidentales.
L’effondrement en quelques semaines du régime pro-occidental afghan est une leçon à retenir. Lâché par ses protecteurs américains qui le portaient à bout de bras, il ne pouvait compter sur aucun soutien populaire ; il n’était cher qu’à ceux qui avaient pu en tirer profit, c’est-à-dire à une petite fraction de la population qui se concentre essentiellement dans les villes. Réduit à n’être qu’un état fantoche, il a été balayé par des Talibans, bien décidés à reprendre le pouvoir et à assurer la mise en place de leur programme. Il n’y avait rien à leur opposer, ni militairement, ni moralement.
L’Afghanistan, surnommé « tombeau des empires », représente un défi à toute tentative d’homogénéité politique et culturelle venue de l’extérieur. Ni Alexandre le Grand, ni l’Empire perse, ni l’Empire anglais, pourtant le plus puissant au XIXème siècle, ni l’URSS n’étaient parvenues à s’imposer aux peuples qui composent ce pays. Les États-Unis non plus devaient y arriver, et cela malgré les fleuves d’argent, de bombes et de corruption, morale encore avant qu’économique, qu’ils sont arrivés à y déverser pendant vingt ans d’occupation et même avant, lorsque Washington soutint les franges les plus radicales de la guerre contre l’Union soviétique.
C’est que l’Afghanistan est un mystère, une mosaïque d’ethnies et de religions, et dont la mentalité de la plupart de la population est imprégnée de récits guerriers. Au nord, les Tadjikes, les Ouzbeks, et les Nouristanis, peuple indo-européen islamisé. Au centre, les Hazaras, peuple de langue perse et de confession chiite. Dans l’est et le sud du pays, vit le groupe ethnique majoritaire, et qui a donné le plus de troupes aux Talibans et le nom au pays : les Pachtounes. Peuple très ancien et aux codes moraux traditionnels, ce peuple de guerriers a été décrit entre autres par l’écrivain Joseph Kessel dans son roman Les Cavaliers. La société pachtoune est régie par un ensemble de règles de conduite qui forment le code d’honneur pachtoune, dit Pashtunwali. Les Talibans, se réclament d’une certaine manière de ce code d’honneur, même s’il est repris pour satisfaire leurs objectifs. Le Pashtunwali repose sur treize piliers, dont trois sont fondamentaux. Il s’agit du melmastia (hospitalité envers les visiteurs), du nanawatai (protection aux ennemies qui acceptent de se rendre), et le nyaw aw Badal (la vengeance sanglante). Les autres piliers sont par exemple le devoir de combattre contre l’envahisseur (turah), la chevalerie (merana) et le devoir de loyauté envers la famille, le clan et les amis (wapa).
Tous ces éléments sont, d’une manière ou d’une autre, partagés par les autres ethnies et clans qui composent l’Afghanistan, et que la pensée néolibérale et postmoderniste occidentale a voulu soit piétiner au nom de ses valeurs universels, soit totalement ignorer, réduisant le contexte afghan au seul élément religieux qui, bien que primordial, n’est pas unique. C’est ainsi que les 300.000 troupes afghanes armées et entraînées pendant vingt ans par les puissance technologiques et rationalistes occidentale ont déposé les armes et laissé que les Talibans reconquissent tout le territoire d’Afghanistan sans presque combattre. Le gouvernement d’Ashraf Ghani était au fond considéré illégitime, car émanation d’une coalition de pays envahisseurs dont les objectifs étaient essentiellement géopolitiques – faire pression sur l’Iran, couper la Chine de l’Asie centrale et limiter le retour de la sphère d’influence russe.
La leçon afghane est peut-être que, au fond, personne ne veut vraiment mourir pour ce modèle libéral de type anglo-saxon, qui n’a rien à proposer pour élever les âmes ni rendre la société plus harmonieuse. Le scorpion mondialiste meurt de son propre venin : après avoir fait table rase des valeurs du passées et des solidarités communautaires, il n’a rien à opposés aux barbares qui l’assiège.
Les discours martiaux et les rodomontades médiatiques ne sauvent pas un système qui s’effondre. C’est une leçon que devrait méditer les têtes pensantes de la Macronie…