Hommage à Daria Douguine : « Dans sa vie, Daria a choisi la lumière. Elle l’a également choisi dans l’éternité ».
Suite à l’assassinat de Daria Douguina le 20 août dernier, une quinzaine de camarades et amis qui l’avaient bien connue durant ses études à Bordeaux, se sont réunis le samedi 27 août afin de dédier cette journée à son souvenir et être près de sa famille par la pensée et pour certains par la prière. A cette occasion, une messe en la mémoire de Daria a été célébrée en l’église Saint-Siméon de Bouliac. Nous voulons également vous faire partager le témoignage que Thomas, un des amis présents, nous a livré ce même jour à propos de Daria.
Le 20 août dernier, c’est un drame qui s’est abattu sur la Russie. A l’issue d’un festival musical portant sur la Tradition, notre amie Daria Douguine a été lâchement assassinée, victime d’un attentat à la voiture piégée. Cet attentat visait les Douguine, père et fille, et il a réussi : il a ôté à un père la vie de sa propre fille.
Alors qu’ils venaient de passer ensemble une heureuse journée, c’est sous les yeux de son père qu’est décédée Daria Douguine, à l’âge de 29 ans.
C’est un drame qui s’est abattu sur la Russie et c’est un drame qui s’est abattu sur nous, en France. Ici à Bordeaux, nous avons bien connu Daria Douguine. Elle était venue passer une année universitaire en 2012-2013 pour étudier la philosophie.
Nous nous souvenons du premier repas que nous avions organisé pour sa venue, dans notre petite colocation, notre « casapound » bordelaise. C’était très simple : du vin, du bon pain, un plateau de fromage, un plateau de charcuterie. Daria était ravie de ce petit repas franchouillard, et bien souvent nous avons remis ça tant c’était une joie de se voir.
Comment vous décrire Daria ? C’était à l’époque une belle fille de 20 ans, avec un visage parfaitement slave, un regard pétillant d’intelligence et de bonté. Belle, intelligente et pleine de bonté, elle l’est d’ailleurs restée jusqu’au bout.
Nos camarades bordelais peuvent témoigner des nombreux échanges que nous avons eu avec elle, à tout propos : philosophie, son sujet de prédilection, mais aussi politique, littérature, cinéma…
Elle était curieuse de tout et avait le don de poser un regard ferme et lucide sur toutes choses.
Elle avait également beaucoup d’humour. L’auteur de ces lignes se souvient d’un jour où la conversation, entre deux verres de rouquin, s’était portée sur le mythe de l’androgyne chez Platon. Daria rappelait que Platon décrivait les premiers hommes comme des créatures sphériques et que leur cou était arrondi comme leurs flancs. Et Daria, s’adressant alors, pleine de gentillesse, à un camarade bien-portant, de lui dire : « Tu vois, tu es important pour moi car tu es un homme primordial ! »
Mais, au-delà de sa bonté, de son sens de l’humour, de son intelligence, Daria nous a marqué pour une chose précise : elle incarnait des valeurs que nous chérissons.
Elle aimait la Russie d’un amour, propre à faire rougir de honte le plus patriote d’entre nous. Elle aimait la tradition – dans son cas c’était bien sûr l’orthodoxie – avec une humilité et une simplicité que beaucoup pourraient lui envier, en particulier chez nous qui avons parfois un rapport compliqué et distant avec nos propres traditions.
C’est peut-être ça qui nous a le plus marqué chez Daria : sa simplicité. Tous ceux qui ont un jour échangé quelques mots avec elle s’accordent à souligner sa gentillesse. Ce n’est pas qu’elle était gentille, c’est qu’elle avait le don de poser un regard pur sur les choses. Comme un enfant. Un regard à la fois ferme et extrêmement bon.
C’est cette bonté d’âme, cette simplicité de cœur qui la rendait tout aussi combative. Dans son activité de journaliste en Russie, Daria défendait brillamment une idée avec laquelle nous avons du mal dans notre Europe nihiliste : celle de vérité.
A nous, Occidentaux, qui avons tendance à penser que la vérité n’existe pas ou que chacun doit avoir sa propre vérité, elle n’avait pas peur de dire : il y a des choses vraies et il y a des choses fausses. Il y a la vérité et il y a les erreurs ou les mensonges. Elle ne craignait pas de dire qu’il y a des choses normales, et des choses qui ne le sont pas.
C’était sa manière de lutter contre ce que Vladimir Poutine a récemment appelé l’Empire du mensonge. Et c’est d’ailleurs cet Empire du mensonge qui l’a lâchement assassinée.
Daria n’a jamais travaillé dans l’ombre. Elle n’a jamais caché ses convictions. Ses vertus ? Le courage, l’honnêteté, la rigueur, la bonté. Et le monde qui l’a assassiné, c’est celui de la lâcheté, du mensonge, de la dissimulation, du vice.
Je voudrais souligner un parallèle important : la femme qui a commis l’attentat à la voiture piégée contre les Douguine, outre que cela s’appelle purement et simplement du terrorisme, a également utilisé sa propre fille, une adolescente, pour espionner Daria et assister au festival auquel les Douguine participaient. Autrement dit, ce qu’a montré cette mère à sa propre fille, c’est la dissimulation, la duplicité et la violence.
A l’inverse, Alexandre Douguine assistait en compagnie de sa fille à un festival dans lequel il était aussi accessible que n’importe lequel d’entre nous. Ils n’avaient rien à cacher. Ils étaient là, présents, très simplement.
Les amis bordelais qui ont eu la joie de rencontrer Daria et de rencontrer son père Alexandre peuvent en témoigner : Daria était une aussi grande intellectuelle que son père, mais des intellectuels accessibles. Des braves gens. Des gens qui ont l’amour des choses simples.
Lors de sa participation à la Manif pour tous à Bordeaux, Daria nous avait simplement dit : « C’est beau de voir tous ces gens qui veulent juste défendre la famille et la tradition ». Ces mots très simples résumaient tout.
Manif pour tous, études de philosophie politique, activités de journaliste, analyses sur l’EuroMaïdan puis, plus récemment, sur le conflit ukrainien : Daria n’a jamais cessé d’être une combattante acharnée de la vérité.
Elle le disait elle-même à son père quelques instants avant de quitter ce bas-monde : « Papa, je me sens comme un guerrier, je me sens comme un héros. Je veux être comme ça, je ne veux pas d’autre destin, je veux être avec mon peuple, avec mon pays. Je veux être du côté des forces de la lumière. ».
Voilà qui résume bien ce que Daria a été pour nous dans cette époque de ténèbres : une lumière.
Cette lumière a été pour nous un véritable rafraîchissement, un véritable ressourcement. On se souvient tous avec une grande joie de l’année que nous avons passé auprès d’elle. Nous la pleurons aujourd’hui parce qu’elle était une militante, mais aussi une amie.
Mais, il faut l’avouer, Daria a été aussi pour nous comme un miroir de nos insuffisances. Voilà une fille qui aimait la culture, qui aimait les siens, qui aimait son pays, qui aimait ses traditions, et qui nous par sa seule présence nous demandait : et vous, qu’aimez-vous ?
Fréquenter Daria Douguine, c’était sans cesse se poser la question : qu’est-ce que j’aime ? Qu’est-ce que je veux défendre ? Pour quoi suis-je prêt à donner ma vie ? Pour qui suis-je prêt à donner ma vie ? Quelles valeurs est-ce que je veux défendre ? Quelles vertus est-ce que je veux incarner ? Est-ce que je veux être du côté de la lumière ? Est-ce que je veux être avec les ténèbres ?
Ce sont des questions radicales. Mais c’est là tout le sens de la vie de Daria et tout le sens de la vision néo-eurasiste qu’elle défendait. Ce sont des questions auxquelles son parcours et sa mort prématurée ont apporté une réponse.
Daria a vécu pour les valeurs qu’elle défendait. Daria est morte pour les valeurs qu’elle défendait. Elle est morte pour ce père qu’elle aimait profondément, pourfendeur de l’Empire du mensonge et ardent défenseur de la chrétienté. Elle est morte pour la Russie. Elle est morte pour les siens.
Elle est morte pour nous.
Dans sa vie, Daria a choisi la lumière. Elle l’a également choisi dans l’éternité.
La plus belle manière que nous avons de saluer notre amie Daria, c’est de continuer à porter en nous et autour de nous un peu de cette lumière qu’elle nous a apportée.