Histoire des NB allemands, par un des leurs
L’histoire des nationaux-bolchéviques reste peu connue en France, étant un sujet surtout étudié par quelques spécialistes dans des revues universitaires ou ouvrages spécialisés peu accessibles. Les éditions Ars Magna, dans leur collection « Devoir de mémoire », ont publié en juin une petite histoire du mouvement national-révolutionnaire allemand d’avant-guerre, par l’un de ses plus importants protagonistes, Karl Otto Paetel. Ce dernier, fut l’une des éminences NB de l’Allemagne du XXe au même titre que les incontournables Ernst Niekisch .
Surtout connu pour son Manifeste national-bolchévik, paru en 1933, dans lequel il dénonçait un Hitler trop proche des réactionnaires et des conservateurs catholiques, mais aussi trop russophobe pour comprendre la puissance révolutionnaire de l’URSS, Paetel donne dans ce petit livre un aperçu de ce que fut ce mouvement réellement antinazis.
Ce mouvement partit d’Hambourg en 1918, à la fin de la « Der des Ders », avec une première tentative de réunir nationalistes et révolutionnaires ouvriers. Pour Paetel, il s’agissait de la réunion des nationalistes voulant une nouvelle élite politique et des socialistes près à un compromis nationaliste. Réunis sous la bannière national-bolchévique, ces précurseurs s’opposaient d’abord et avant tout à l’impérialisme occidental.
Ce premier essai fut un échec, mais l’idée était lancée. Par la suite, le mouvement passa de révolutionnaire à évolutif, avec des contacts secrets établis entre officiers allemands et l’URSS. Il fallut attendre la sortie de Karl Radek le 20 juin 1923 lors de la session du comité exécutif élargi de l’internationale communiste pour que les idées nationales-bolchéviques soient à nouveau à l’avant-scène. Toutefois, pour le Parti communiste, il s’agissait surtout d’une technique de « com » visant entre autres à amener les anciens nazis vers lui.
Certaines initiatives furent lancées pour réunir anti-bourgeois de droite et de gauche, les NR et les sociaux -révolutionnaires en capitalisant sur l’esprit de révolte. Cette vision commune « proclamait la nation ‘valeur absolue’, et, de l’autre, voyait dans le socialisme le moyen de réaliser cette notion dans la vie du peuple. » L’opposition aux Nazis était ouverte et s’intensifia
jusqu’à devenir la priorité avant la prise de pouvoir d’Hitler en 1933.
Au plan doctrinal, Moeller van den Bruck, aujourd’hui connu pour son apport à la Révolution conservatrice, fut le premier théoricien du mouvement naissant. Son Troisième Reich aurait dû s’appeler Troisième Parti selon Paetel. Puis, d’autres voix émergèrent, notamment celles d’August Winnig et Hermann Heller, qui s’exprimèrent dans diverses publications émergentes. C’est un autre nom connu de la Révolution conservatrice, Ernst Junger, qui devint le « chef spirituel » de cette nouvelle vague. Il faut noter que le mouvement resta disparate, « individualiste » même, sans aucune cohésion, ce qui rendit la répression plus facile lors de la prise de pouvoir des Nazis.
Ce mouvement fut « un lieu de rassemblement, un forum pour les éléments de droite et de gauche n’adhérant pas aveuglément au nazisme. » Ce ne fut pas un organe militant organisé. Quant au fameux Front noir d’Otto Strasser, Paetel ne le considérait comme un groupe réellement national-révolutionnaire
Rejetant le nazisme et son racisme, Paetel vit de nombreux de ses amis se faire assassiner. Il partit dès lors pour Prague, puis pour l’Europe du Nord et finalement vers l’Amérique où il continua d’écrire sur le national-bolchévisme avant de tirer sa révérence le 4 mai 1975.
Rémi Tremblay
A lire : Karl O. Paetel, Le National-bolchévisme allemand, de 1918 à 1932, coll. « Le Devoir de
mémoire », Ars Magna, 39 p., 2023