Femen : leçons d’un mouvement moribond
Le suicide d’Oksana Chatchko nous surprend moins que l’oubli dans lequel le mouvement Femen est tombé, au point que c’est le décès de cette jeune femme qui le rappelle à notre souvenir. 2012-2014, Hollande président, la quenelle, la Manif pour Tous, et des filles aux seins nus hurlant des blasphèmes en anglais à l’intérieur de Notre Dame de Paris. Tout cela semble si loin… L’activisme de Femen ne pouvait pas faire la une des journaux éternellement. Deux raisons à cela :
– L’élitisme du recrutement. « Nos seins, nos armes » n’a d’efficacité que si ceux-ci ne pendent pas. Les militantes de Femen sont minces et jolies. Le féminisme qui a le vent en poupe à l’heure actuelle veut lui déconstruire ces catégories et trouve la beauté suspecte.
– Une lassitude certaine après leurs premiers coups d’éclat. Qu’elles aient pu déranger en Ukraine se conçoit. Dans une France qui fête les 50 ans de Mai 68, c’est beaucoup moins sûr. La réacosphère et une partie des catholiques se sont offusqués un temps, avant que tout le monde se dise « bah, si ça les amuse »…
Oksana Chatchko était moins médiatisée qu’Inna Shevchenko, alors qu’elle était une des fondatrices de Femen. Les deux, nous dit la presse, ne se parlaient plus depuis des années. Pourquoi ? Comme Olivier Goujon, auteur d’un livre sur les origine des Femens, le rappel : « Certaines ont eu un engagement sincère, profond et désintéressé quand d’autres n’ont cessé d’être dans le calcul ou la récupération. » Oksana Chatchko comme les deux autres fondatrices historiques du groupe furent virées avec une violence inouïe par Inna Schevchenko ( qui va devenir la blonde idole de Caroline Fourest et des médias occidentaux dès son arrivée en France ).
On se moque souvent de ses ennemis pour les démoraliser. C’est une constante du jeu politique. Pourtant, et c’est peut-être une faiblesse car le camp d’en face a rarement les mêmes scrupules, ce suicide doit susciter autre chose que des sarcasmes. Les femmes se tuent nettement moins que les hommes de façon générale, on peut donc supposer chez celles qui le font un désespoir réel.
Il doit s’agir pour nous de tirer des enseignements de ce drame. Les dangers d’un excès d’élitisme et de la provocation comme seule mode d’action en sont un. Mais surtout, que la prépondérance actuelle du virtuel ne nous fasse pas oublier que le militantisme se fait avec du matériel humain, et que les mouvements extrêmes attirent des individus malades ou trop idéalistes.
Femen, de toute évidence, est de ceux-là. Prenons garde à ne jamais en devenir un reflet inversé.
Pénélope Raynal
A lire : « Femen, histoire d’une trahison », par Olivier Goujon, Max Milo éditions.