Chronique : Lire Drac et voir Macron
Il est difficile de mettre Drac dans une case, tant il s’intéresse à tout et s’efforce, dans ses ouvrages comme dans ses notes de lecture publiées sur Youtube, de synthétiser ses recherches afin de rendre le monde un peu plus intelligible pour ses contemporains. S’il fallait à tout prix lui coller une étiquette, ce serait celle de pédagogue.
Dans Voir Macron, publié comme ses précédents ouvrage aux éditions du Retour aux Sources, il prend le risque d’être culte ou ringard dans quelques années en se livrant à un exercice de prospective sur le quinquennat en cours. Après un bilan de l’état actuel des choses qui importent en ce bas monde, des plus matérielles (l’écologie et la démographie) aux plus vagues (la politique et la culture), il propose 8 scénarios. Certains, de son propre aveu, sont assez improbables, par exemple la crise migratoire sous stéroïdes – sur fond de catastrophe financière et écologique – qui transformerait notre président en champion de la civilisation occidentale et d’une Europe-Forteresse. Mais tout est envisagé dans un souci d’objectivité.
Bien qu’étalé façon pop-art sur la couverture, Macron est un personnage relativement secondaire des scénarios proposés. Il fait généralement une apparition après quelques pages traitant d’une évolution possible de la situation globale, du conciliabule des grands banquiers centraux pour y faire face, et des péripéties de Donald Trump et Vladimir Poutine. D’autres noms de la vie politique française sont parfois cités, en général pour être victimes d’une saillie drolatique de l’auteur. Ainsi dans le premier scénario « La Mort Douce », en 2022 « Philippot affronte en débat son concurrent, Asselineau, Monsieur Frexit. Le choc des deux énarques souverainistes est de très haute tenue : 95 % des Français ne peuvent pas le comprendre. » Jean-Patriote ira de vexation en vexation au cours de cette lecture, tant la France y apparaît comme un pays d’importance moyenne et un ramassis de frileux et de planqués incapables du moindre esprit d’initiative : dans le seul scénario optimiste, ce sont les Italiens qui nous inspirent notre première bonne idée depuis la poule au pot, et dans les autres nous passons de telle à telle sphère d’influence étrangère.
Mais s’il en est ainsi c’est surtout à cause de la complexité exponentielle de notre monde, que Michel Drac parvient à faire sentir tout en laissant entendre qu’il doit utiliser de bien gros pinceaux. Jadis, un autre Michel prophétisait avec des quatrains. Si elle devait prendre en compte tous les facteurs possibles, l’entreprise de modélisation de celui-ci occuperait la bibliothèque de Babel. Sachons-lui gré de synthétiser des futurs possibles qui contribuent à nous renseigner sur le présent et à nous rendre plus apte à résister.
À la fin, nous vous inquiétez pas, vous distinguerez mieux Macron et sa petite place dans ce gigantesque bazar.
Charles Vincent
A lire : Michel Drac, Voir Macron, Le Retour aux sources, 200 pages, 17 euros