Camille Mordelynch sur l’Ascension : L’amour est l’expression la plus haute de la vie
Le Christ a regagné le ciel après avoir triomphé du calvaire de la croix par la résurrection. Son message d’amour, incarné et porté à l’absolu, nous rappelle la puissance de l’eros. Bien plus incendiaire que le sentimentalisme, bien plus vivant que toute tentative intellectuelle morbide qui voudrait le rationaliser, l’amour se vit pour ce qu’il est : une force divine. Le Christ n’a eu que faire du meden agan de la sagesse grecque; il n’a pas tenu compte des précaunisations stoiciennes d’evitement des passions. Il a pêche par hubris d’une seule manière : en amour. En extrémiste amoureux, il est allé au bout de la demesure, là où l’eros s’inverse en thanatos: il a tant aimé qu’il en est mort.
Tous ceux qui reconnaissent en l’amour la force d’union par excellence – si forte qu’elle relia le plan divin au plan terrestre – se font apôtres du Christ. Et bien quils menacent avec lui d’en être martyr, ils s’emparent de la dimension surnaturelle de l’amour: celle qui ne pose ni condition, ni calcul, ni mesure, ni limite ; celle qui se fraye un passage par les interstices des murailles qui lui font face ; celle qui passe par tous les pores de la peau pour aller chercher la chair de l’autre, et de l’humanité toute entière. L’amour est ce qui transcende toutes les limites, franchit toutes les dimensions: c’est pourquoi ni la mort, ni le mal, n’en s’ont venus à bout. Dieu, le premier, nous le fit connaître, et ayant créer des êtres capables d’en être traversés, nous en révele la nature divine dans l’amour d’une mère pour son enfant, d’un mari pour sa femme, d’un soldat pour les siens, d’un révolté pour son peuple. L’amour est l’expression la plus haute de la vie; il est ardeur existentielle, puissance de dépassement, alliance suprême du sacrifice et du don.
Embrasser l’amour, c’est s’emparer férocement de la vie, avec hargne et sans cuirasse, porté par une vitalité qui nous pousse au grandiose, quand bien même celle ci menace de nous terrasser. L’amour nous condamne à sa brûlure: vivre intensément, c’est s’y exposer, et en supporter la douleur, sans chercher à s’en protéger comme on se couvrirait d’un soleil trop vif. Voilà pourquoi l’amour, quand on en saisit la dimension surnaturelle, n’a rien de niais ou de mièvre: il est l’élan impétueux qui fonce au devant des obstacles, à l’avant des combats. Qu’il nous conduise à accomplir les plus grandes oeuvres, ou qu’il se distille dans les gestes les plus anodins, il est exigence d’arrachement à soi pour se tourner en dehors. A nous hommes, à qui il a été confié, d’en faire notre apostolat.