Après l’acte 62, une nouvelle étape pour le mouvement révolutionnaire
L’acte 62 passé, force est d’accepter ce qui fatalement se profilait : les samedis sont devenus des défilés coutumiers dans lesquels l’exigence du seul uniforme jaune a laissé place au melting-pot du militantisme : syndicats, écolos, black blocs et antifas réunis.
Un rétrogradage qui n’a pas touché la répression policière qui, elle, n’est jamais en perte de vitesse. Si ceux qui tiennent les pavés, samedi après samedi, sont remarquables de ténacité et de courage, on ne peut s’empêcher de se rappeler ce qui nous apparaissait comme une évidence au début des gilets jaunes : déambuler dans l’est parisien en étant encadrés par des cordons de CRS dans un parcours défini et déclaré et en renouant avec des moyens que l’on savait inefficaces, nous expose à de lourdes représailles pour si peu d’impact sur nos véritables cibles.
La balance « bénéfice-risque » est à notre désavantage. En effet, se féliciter de faire courir les forces de l’ordre au prix d’un œil arraché place de la Bastille fait de nous des perdants, pendant que l’oligarchie s’amuse de nous voir parader jusqu’à l’abattoir. Pourquoi, en de telles circonstances, s’infliger de tels sacrifices ?
Dans les premiers actes, le jeu en valait la chandelle. Nous rencontrions un mouvement inédit d’ampleur inégalée, porté par le crépitement de l’insurrection. Et à ce titre, la prise de risque était nécessaire : nous devions nous lancer dans cet élan populaire imprévisible qui a manqué de peu de faire vaciller le pouvoir. Au nom de ce qui s’annonçait, nous devions nous munir de l’aplomb héroïque du révolutionnaire moderne en contexte de guérilla urbaine. Or, aujourd’hui, les conditions n’y sont plus. Nous sommes revenus au stade duquel nous croyions nous être émancipés.
Si le découragement n’est pas une option, un réel tiraillement se met à l’œuvre entre d’un côté l’intransigeance consistant à aller jusqu’au bout, et de l’autre accepter de délaisser un temps l’affrontement direct pour lui préférer d’autres modes d’actions.
La construction d’une intelligence collective et éclairée serait l’un des meilleurs moyens d’anticiper la nouvelle vague de contestation, plus rigoureuse encore, qui finira un jour par déferler. Que chaque esprit se forme, s’instruise, et qu’ensemble se bâtisse une conscience révolutionnaire capable de brandir le poing vers un horizon commun d’indépendance nationale, de souveraineté populaire, et d’anéantissement de la pathologie capitaliste.
Camille Mordelynch