Entretien avec Louis Alexandre : Marx attaque !
A l’occasion du bicentenaire de la naissance de Karl Marx, Louis Alexandre répondait aux questions du site Infos-Toulouse sur l’héritage du penseur allemand.
Infos-Toulouse : 200 ans après sa naissance quel est l’héritage de Karl Marx en 2018 ?
Louis Alexandre : Karl Marx avait pour ambition de dévoiler les mécanismes du capitalisme de son époque. Il voulait en comprendre la logique et les contradictions, car il avait vu ses conséquences destructrices socialement comme moralement au sein de la classe ouvrière. Comprendre le développement des sociétés est la condition, pour lui, pour mieux saisir les moments plus ou moins propices pour tenter de la changer. Car la philosophie n’est pas une fin en soit, mais un début d’une transformation révolutionnaire de la société.
Dès lors, Marx n’était pas un intellectuel de salon. Chercheur infatigable et théoricien audacieux certes, mais aussi militant révolutionnaire, polémiste et exilé durant la plus grande partie de sa vie. Loin d’être un saint dans sa vie privée et souvent injuste envers ses amis comme ses adversaires (Proudhon par exemple), c’était un combattant à l’énergie débordante. Nul hasard au fait que la lutte soit pour lui le grand moteur de l’histoire.
Karl Marx appartient-il à la gauche ? Comment se l’approprier de nos jour ?
Aucune idée n’appartient de manière éternelle à un camp précis. Karl Marx ne s’est jamais défini comme de gauche. Je fais ce petit rappel car la confusion est telle que certains contemporains ont voulu en faire un réformiste, un mondialiste, un humaniste de gauche ou un libéral.
Cette confusion est ancienne et des gens l’ont souvent entretenue pour servir des objectifs très idéologiques. « Le marxisme est l’ensemble des contresens qui ont été faits sur Marx », écrivait Michel Henry. L’oeuvre de Marx fut accaparée durant des années par les sociaux démocrates aussi bien que les bureaucrates staliniens tentant de justifier leurs idéologies respectives. On a pendant des années gommé des textes qui ne rentraient pas dans le cadre de cette captation d’héritage. La redécouverte de l’oeuvre de Marx dans les années 1970 fut donc une surprise pour toute une génération.
Malheureusement, on est vite retombé dans le verbiage « marxiste-léniniste » et des délires que seuls les cerveaux torturés des universitaires trotskistes ou mandarins du pseudo-maoïsme parisien pouvaient concevoir.
En face, l’intelligence n’a jamais vraiment brillé pour analyser la pensée de Karl Marx. L’anticommuniste primaire étant souvent aussi stupide que l’antifasciste primaire, on ne vit que l’élément subversif dans sa démarche, alors que le monde moderne et le capitalisme sont les véritables sources de toute la subversion. Ne parlons pas de la vogue « anti-totalitaire » qui faisait de Marx le planificateur du goulag. Savamment orchestrée par les « nouveaux philosophes » des années 1980, cette vaste supercherie à fait son temps.
Heureusement pour notre génération, la fin du clivage Droite/Gauche nous oblige à une vaste relecture dans le domaine théorique. N’ayons pas d’oeillere ni surtout d’idées reçues pour entreprendre ce travail important. La lecture Marx apporte des éléments cruciaux pour rebâtir un idéal communautaire, proposer des alternatives au capitalisme et sortir de l’impasse du monde moderne qu’il avait vu naître.
L’Union européenne célèbre officiellement son anniversaire, par la présence du président de la Commission, faut-il y voir un symbole ?
Le spectre de Marx hante l’Europe, cette commémoration est donc un exorcisme. Plus sérieusement, la commémoration d’un individu ou d’un événement radical par le système vise à désamorcer son potentiel révolutionnaire, quand il ne s’agit pas d’une pure tentative de détournement ou de recyclage d’une oeuvre comme pour Guy Debord.
Pourquoi est-il important de lire Marx ?
Il a le premier cartographié de façon quasiment complète un monde nouveau : le capitalisme, vaste champ de bataille d’une guerre de tous contre tous. Le charnier est encore ouvert à l’aube du XXIe siècle. La lecture de Marx vaccine de tout réformisme et pacifisme béat, de la résignation et des lieux communs que le libéralisme à enfoncé dans les crânes de nos contemporains.
Je veux pas vous « spoiler » , mais il donne surtout la source de toute la domination idéologique du système dans Le Capital : la marchandise, l’aliénation et l’exploitation. Si nous voulons sérieusement libérer l’Europe, nous devons d’urgence aborder ces sujets. La lecture critique de Marx y aide.
Propos recueillis par N.B pour Infos-Toulouse
Toute lecture, à rebours où pleines voiles, critique ou élégiaque, pamphlétaire ou ecclésiastique de Marx aide à mieux saisir ce merdier totalisant dans lequel nous sommes embourbés.
Salutations au camarade Louis.
La portée de la pensée marxiste est limitée par son matérialisme. Le monde va s’effondrer et cela offre une derniére chance à l ‘humanité si elle cesse de se mentir à elle même comme depuis toujours.Il ne sert à rien à rebellion de prétendre porter la voie de sortie du nihilisme s’il n’admet pas que national et socialiste cela donne nazisme.Une remarque à louis: toute critique du fascisme n’est jamais primaire, elle est toujours justifiée.Le communisme n’est qu’une solution insuffisante mais légitime, pas le fascisme qui est toujours barbare et impuissant.Les chances de l’humanité sont faibles, mais être révolutionnaire et pas réactionnaire est la seule solution.Ceci est possible parce que la vérité absolue a été découverte.C’est cela la révolution intellectuelle la plus importante de tous les temps:l’unâmensisme. LUC ALAMBRE. SALUTATIONS UNÄMENSISTES.
Cher Luc, Je trouve votre remarque juste sur la limite matérialiste du marxisme.
Nous utilisons l’oeuvre de Marx pour comprendre le monde né du capitalisme comme je l’écris.
Mais nous ne suivons pas l’ensemble des conclusions de Marx…
Pour le fascisme, je pense que cette expérience est close historiquement et que bien des critiques contemporaines de ce phénomène servent à justifier le système ( je pense à toute la réflexion anti totalitaire des « Nouveaux Philosophes » par exemple). Pourriez-vous nous en dire plus sur ce concept d’unâmensisme ? Bonne soirée Louis Alexandre