Qu’est-ce que la métasexualité ?

Définition de la métasexualité : Concept selon lequel l’imaginaire de la sexualité a remplacé les religions dans certaines fonctions sociales (répondre aux injustices) ou sociétales (définir le Beau)…

Une lente maturation irriguant l’inconscient collectif

A partir de quand la sexualité a-t-elle cessé d’être un ensemble de pratiques reproductives pour devenir autre chose ? Il n’y a pas de date ni d’événement fondateur, mais plutôt une lente maturation irriguant l’inconscient collectif des périphéries vers le centre et réciproquement. Peut-être le tournant date-t-il des années 1850.
 

Née dans les marges des élites européennes au XVIII°s le libertinage (premier stade) est devenu la pornographie au siècle suivant (deuxième stade) avant d’infuser toute les sociétés développées-connectées dans la seconde moitié du XX°s (troisième stade).
L’avènement d’internet a accéléré ce processus déjà en germes depuis des décennies via les premiers médias de masse, mouvement encouragé par la contraception.


Ainsi certaines pratiques sexuelles marginales et même parfois non pensées -comme la fellation ou la sodomie- sont-elles devenues des pratiques « grand public » évoquées facilement dans les médias les plus regardés sans que cela ne déclenche autre chose qu’une connivence non du fait d’une pratique générale mais plutôt découlant d’une culture commune. La masturbation quant à elle, proscrite dans les élites aux XVIII° et XIX°s est devenu une pratique courante.
 

Les premières références à la fellation remontent à l’antiquité. Un peu partout là où des élites ont eu le temps et les possibilités de pratiquer la sexualité pour autre chose que la procréation la fellation est présente. Pratique dévolue aux prostituées l’excitation orale du sexe masculin est l’archétype de la pratique non reproductive et est donc sans doute à l’origine du sexe récréatif. On a des jetons de bordel de l’empire romain où la fellation est explicite entre autres pratiques. Elle est aussi présente dans la culture grecque homo et hétérosexuelle.


Le film EYES WIDE SHUT de Kubrrick avec Nicole Kidman et Tom Cruise : une parabole sur la métasexualité ?

Un point de vue darwinien sur la fellation

D’un point de vue darwinien la fellation a une utilité comme préparation à la pénétration : elle nettoie le sexe masculin, le lubrifie et excite le mâle surtout avant la généralisation de l’hygiène. On peut même imaginer qu’une première éjaculation permette ensuite une pénétration plus longue et donc plus féconde. Dans l’imaginaire érotique féminin la fellation a également une dimension excitante.
 

Actuellement toutes les adolescentes et les jeunes femmes ont à se positionner par rapport à la fellation. Bien peu renoncent à cette pratique et moins encore assument de s’y opposer. Sucer est devenu une initiation obligatoire à la sexualité. L’âge de la première fellation est donc toujours inférieur à celui du premier rapport. Elle se pratique pour les filles avant 18 ans et sur des garçons plus âgés.
 

Cet acte est « facile » dans la mesure où il peut être rapide et surtout se pratiquer sans être complètement dévêtu. Par ailleurs, il n’entraîne aucunement un risque de grossesse et pratiquement aucun risque de maladie sexuellement transmissibles.
 

Le fait d’avaler la semence masculine se pose assez vite. Généralement la fille est de prime abord dégoûtée par le sperme. Cette substance n’est pas faite pour être ingérée et son goût n’a rien d’appréciable L’Homme n’a aucunement évolué pour fabriquer une semence avec un « bon goût ». Là aussi par éloignement de la fonction reproductrice avaler le sperme est devenu un dogme de la culture pornographique, la transgression d’un interdit puis une distinction mimétique typique du X.
 

Dans le X la femme est valorisée si elle reçoit le sperme sur elle (mise en évidence des caractères sexuels secondaires féminins : visage, seins, fesses…) et plus encore si elle avale la dite substance. Pourquoi ?
 

Est-ce un signe de soumission à la masculinité (« Avale salope ! ») ou est-ce un reste de vitalisme archaïque qui présuppose qu’en avalant le sperme la femme s’approprie la force du Mâle ? Sans doute les deux et surtout, ce qui fait sens dans la porn cultur, c’est l’image d’un corps ou d’un visage féminin touché par un liquide aucunement fait pour être déversé à l’extérieur du vagin. Fellation et éjaculation faciale constituent bien la base de la culture pornographique : une pratique proto-religieuse qui caractérise et généralise les débuts de la métasexualité dans une mise en scène identitaire. Tout culte a une dimension culinaire symbolique et réelle. De plus, cette pratique a une dimension visible et spectaculaire qui facilite le caractère hypnotique du X, élément décuplé par la généralisation-diffusion des images.

Toutes les religions procréatrices la condamnent sans jamais avoir réussi à l’interdire

La sodomie est aussi une pratique anti-conceptionelle ancienne et très répandue dans le monde. Toutes les religions procréatrices la condamnent sans jamais avoir réussi à l’interdire. Pratique fréquente pour préserver la virginité, pratique pénétrante pour contenter les Hommes, elle est obligatoire dans la porn cultur. Aucun film X ne fait l’économie d’une scène de sodomie.


Jadis discrète et honteuse (car associée à l’homosexualité et aux excréments) elle est devenue banale au moins dans son évocation même si elle demeure pratiquée régulièrement par une minorité de gens. Néanmoins la découverte de la sexualité passe toujours par une tentative ou une référence au plaisir anal (sexe, doigts, godemichés…).
 

Avec ces pratiques qui demeurent très minoritaires (seuls 10 % des gens pratiqueraient régulièrement la sodomie) on est dans la métasexualité : une pratique devient plus une référence culturelle, une croyance, qu’un plaisir régulièrement pratiqué. Fellation et sodomie deviennent des marqueurs culturels : les connaître est plus important que les pratiquer, s’y référer est plus central que les apprécier. Les neuf dixièmes d’adultes ne pratiquant pas la sodomie font profil bas et ne revendiquent pas leur indifférence sinon leur possible dégoût pour cette pratique. Non pratiquant les gens sont tout de même croyants en la matière.
 

Il en est de même des pratiques dites « SM » (pour sado-masochistes) ensemble de pratiques plus ou moins sexuelles associant la douleur physique à l’excitation puis aux orgasmes tant masculins que féminins, le tout dans des mises en scène très codées.
Le libertinage puis la pornographie ont toujours recelé une dose de violence réelle ou symbolique. Les œuvres de Sade sont même basées exclusivement sur cela. Par la suite, au XIX°s, la bourgeoisie triomphante a recyclé ces pratiques pour affirmer symboliquement son pouvoir sur la Femme, généralement la maîtresse souvent socialement inférieure et entretenue et plus encore avec des prostituées, figures archétypales de l’anti-épouse.

Au XX°s le SM reste une référence du X, c’est même longtemps un sous-genre pornographique assez peu consommé par rapport aux coïts classiques agrémentés de fellations et de sodomies. Il faut attendre les années 70 et surtout les années 2000 pour que le SM devienne un chapitre important de la porn cultur : avant même le succès grand public du roman « 50 nuances de Grey » (2012 en Grande Bretagne) le SM irrigue la culture populaire via les publicités ou même des références dans les films grand public. Ces pratiques demeurent très peu répandues mais sont connues de tous. Leur popularité répond à une nouvelle société où les élites utilisent la soumission et/ou la domination pour échapper au quotidien et se distinguer des couples enlisés dans l’ennui. De plus, la violence ritualisée gagne en sympathie dans une société où la violence réelle recule.

Il en est de même des boites dites « échangistes » ou du « caudulisme ». Variantes du même thème : la porn cultur comme échappatoire à un quotidien qui serait ennuyeux et vain, sexuellement comment individuellement. Même abstinents qui oserait être contre ?
Les usagers des lieux échangistes ou les partenaires qui encouragent et participent à des rapports sexuels avec leur conjoint(e) et une autre personne sont très rares. Leurs témoignages étudiés sérieusement (La planète échangiste, D. Welzer-Lang, 2005) ne révèlent aucun scoop et décrivent des gens certes curieux mais aucunement différents des autres. Ces pratiques restent marginales et peu pratiquées la curiosité s’érode souvent vite après un essai. Passé une certaine mode les pratiquants se font rares.
En tout cas le SM ou l’échangisme sont largement connus de tous et servent d’accroche publicitaire ou érotique dans le cadre du Marché. Bien peu de gens assument leur rejet du SM, au contraire, il est bien vu de dire qu’on s’est laisser tenter, etc. Comme tous les dogmes religieux sa véracité est moins importante que sa connaissance.

Les codes SM sont partout, y compris et surtout dans les productions culturelles de masse comme les chansons mondialement diffusées. C’est le cas du tube de Britney Spears en 2013, Work Bitch. On y voit la starlette accomplir des chorégraphies désarmantes en incitant les auditrices à « faire la pute » en échange de voitures de luxe et de « fêtes en France » (sic). Les codes SM de la soumission mènent ainsi à la « libération » tout au moins de la pauvreté. La métasexualité n’est-elle qu’un vaste écran de fumée sensé cacher les injustices ? Les religions ont toujours eu comme fonction de gérer les injustices.

Nous sommes tous des voyeurs de la fin de l’amour

La jouissance jusqu’à la mort du plaisir


Autre chapitre de la théologie métasexuel : la multiplicité des partenaires. Hommes ou Femmes sont sommés de pratiquer l’amour à plusieurs. Le X regorge de scènes où l’Homme a deux femmes pour lui et réciproquement. La Femme est même souvent la proie de plus de deux hommes, le « gang bang ». Ainsi ses trois orifices sexualisés sont-ils toujours remplis par les membres virils ithyphalliques.
Que faut-il y voire ? Naturellement une scène primitive où la reproduction est facilitée : la pénétration par plusieurs sexes masculins doit nécessairement aider à la reproduction pour peu qu’une ou plusieurs éjaculations aient lieu dans le vagin. De plus, ces scènes participent aux fantasmes masculins et féminins répandus. Les Femmes reconnaissent de plus en plus facilement avoir des fantasmes de domination avec plusieurs Hommes. Le X alimente énormément ces désirs de plus en plus assumés quitte peut-être à banaliser les agressions sexuelles.


Là aussi le message « religieux » (qui-relie) est le suivant : faciliter les contacts, l’accès par l’excès, la pluralité, la multiplicité des plaisirs comme porte d’accès au « paradis ». En effet, on est dans le mythe car la réalisation du sexe à plusieurs est rare, rarement réussie et surtout nécessite des conditions de réalisations qui correspondent à des moyens sociaux importants où intervient fréquemment la prostitution et/ou une solide santé.
 

Il faut faire la différence entre la pratique et l’idée. Si la pratique reste marginale, l’idée, elle, est générale. Il en va ainsi des messages religieux : la sainteté ou les miracles catholiques étaient plus que rares mais leurs messages, eux, étaient répandus et pris au premier degrès. Quand les masses doutèrent de l’existence de ces vérités la religion commença à perdre de sa substance pour devenir un patrimoine culturel. Récemment encore la métasexualité était au stade du christianisme primitif : il se répand de façon rhizomique. Massivement mais souterrainement.
 

Deleuze et Guatarri ont définit la diffusion philosophique rhizomique par plusieurs caractéristiques.
La connexion et l’hétérogénéité, « n’importe quel point du rhizome peut être connecté à un autre ». Le X numérique fonctionne ainsi : sans hiérarchie prédéfinie, sans ordre apparent sinon la haute connectivité de ses messages. Internet généralise le libertinage et sa philosophie universelle (liberté apparente, consentement individuel et association désir-plaisir).
 

Le principe de multiplicité : « l’organisation propre du multiple et qui n’a pas besoin de l’unité pour former un système ». Les monothéismes fonctionnent de la sorte : si l’idée est une, sa manifestation est multiple et non hiérarchisée. Elle se diffuse dans la société via l’imaginaire et la culture. Généralement elle résoud une énigme, une difficulté, un déterminisme. Les christianismes ou les différents courants de l’islam ont été des réponses à des questions existentielles, à des contradictions sociales et à des conflits politiques.

Résumons-nous : le libertinage pornographique métasexuel a toujours existé dans certaines élites. Quête individualiste des plaisirs sexuels débarrassés de la morale officielle le libertinage s’éteint quand les élites disparaissent dans la guerre civile : le sexe non reproductif y est souvent contraint, violent, non pensé.


Le néo-libertinage se diffuse lentement via les moyens de communication modernes. La facilité de déplacements puis l’explosion des moyens de communications permettent à l’individu d’être davantage maître de ses choix. Du moins en apparence. La porn cultur est donc une sorte de protestantisme : une protestation contre le dogme d’une sexualité régentée par la société et canalisée vers la seule reproduction.


Dans les années 1950 tant à l’est qu’à l’ouest la natalité en baisse et les moyens de contraceptions modernes séparent plaisirs charnels et reproduction. Le X ne cesse dés lors de se diffuser sous forme de sous-culture au delà des marges. Bientôt le capitalisme du désir utilise le X comme vecteur publicitaire et efficace pulsion d’achat : la métasexualité passe de la secte philosophique initiatique au discours marchand universel.

La réalité de la pornographie est connue. Il s’agit d’un monde souvent sordide

La réalité de la pornographie est connue. Il s’agit d’un monde souvent sordide où les faux-semblants et la déception règnent, les allégations concernant la violence et la drogue pullulent. Il en est de même du reste de la prostitution qui demeure une activité économique ultra-libérale où l’exploitation et la traite humaine règnent. Le tout, bien sûr, sans frontières et donc sans autre loi que celle du profit. Comme dans tout enfer libéral le consentement apparent des travailleurs-travailleuses du sexe est conditionné par les rapports de force économique souvent mafieux d’autant que les États légifèrent et réglementent très peu.
Les témoignages sérieux et distanciés décrivent un monde sans foi ni loi sinon celle du plus fort. Ainsi les pornographes français H.-P. Gustave et J. Guilloré ne cachent pas le caractère inhumain de cette « industrie », d’autres comme Pierre « Woodman » revendiquent même cette violence sans fard.Néanmoins la laideur de ce milieu comme l’enfer du reste de la prostitution ne dégoûtent nullement les consommateurs de produits pornographiques. Au contraire la perversité motive parfois la curiosité. Le X est aussi un anti-monde : un espace virtuel-réel où les lois communes ne s’appliquent pas. Comme les vies de saints ou les récits de miracles le X donne une version retournée de la réalité et cette idée finit par influencer la vie réelle. Le X donne des « idées » pour « pimenter son intimité » (dixit la presse maintream) et les pratiques jadis rejetées ou ignorées deviennent des étapes supposées vers le paradis multi-orgasmique. A noter que certaines pratiques sexuelles originales comme les massages tantriques (respirations particulières et stimulations…) se présentent comme religieuses. Ce n’est pas un hasard.
 Là aussi le parallèle avec la biologie ou l’économie est possible : les sociétés humaines favorisent les modèles, les idées, les religions qui maximisent la dissipation d’énergie et la diffusion des informations.

« Tu n’as rien d’autre que ta sexualité « 

Au culte des saints a succédé le culte des seins
 

Le capitalisme post-industriel est hors équilibre : comme le cycliste il avance pour ne pas tomber et tend à tout transformer en marchandises physiques ou immatérielles. Un exemple : le succès des sites de camgirls où n’importe qui peut se dévêtir devant le monde entier en échange de « tokens » via un site comme cam4 qui garde au passage 60 % des sommes données ! Il s’agit d’échanges d’informations : images érotiques « réelles » contre monnaie numérique via un intermédiaire dématérialisé. Est-ce différent du culte des saints ? Ou contre de l’argent on espérait l’intercession ? Ici le paradis est l’orgasme masturbatoire avec intercession d’une icône vivante. Au culte des saints a succédé le culte des seins. Un exemple patent de féminisation contemporaine.

Les motivations des cameuses-cameurs sont un mélange d’appât du gain (contrainte économique) et de curiosité sexuelle (influence culturelle). La plupart apparaissent à visage découvert sous prétexte qu’elles n’ont rien à cacher. Comme si les barrières sociales (proscription de la nudité en public) avaient sautées. N’est-ce pas la philosophie d’origine du libertinage ? Le Kamasutra,le Jardin parfumé ou le Miroir du foutre disent-ils autre chose ? Reste qu’à ces époques ces élites libertines étaient limitées dans l’espace et la communication, or actuellement ces réseaux sont mondialisés par la technique et unifiés par globish.
 

Sur trois générations depuis 1945 (période d’intégration globale) la métasexualité n’a cessé de progresser dans toutes les classes sociales et dans tous les pays. Elle devient un élément de langage et aussi une source d’inspiration dans les actes du quotidien et plus encore comme référence sociale. Cette situation explique le côté cause-conséquence des références pornographiques grand public que l’on retrouve dans les sites X regardés discrètement, la commande de sextoys en ligne ou la publicité.

Les grandes questions de la vie et de la mort jadis traitées par les monothéismes installés sont à présent prises en charges par laporn cultur, elle décolle d’ailleurs au moment où le christianisme décline comme norme.
– La vie n’aurait d’autre finalité que de jouir jusqu’à ce que le corps ne puisse plus suivre malgré tous les artifices possibles (prothèses, viagra, produits divers, prostitution…) .
– La mort serait reléguée au rang d’échec définitif non assumée et consolée par le fait que la vie a été vécue « jusqu’au bout », carpe diem.
– La place dans la société serait liée à l’argent mais plus encore à la capacité de multiplier les rapports sexuels qui, quintessence de la métasexualité, doivent être rendus publics d’une façon ou d’une autre (blog, biographie sexuelle, exhibitionnisme, échangisme, etc.).

Retrouvez un dossier sur le sujet sur http://quefaire.e-monsite.com/

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