Entretien avec Pierre de Brague : la baffe à venir pour la gauche …

Valls et Macron incarnent les deux visages de la gauche moderne. Que représentent pour toi ces deux tenants d’un ultra-libéralisme rose ?

Sous leurs atours soi-disant progressistes, ces deux candidats incarnent en réalité les vieux réseaux à l’oeuvre en France depuis une trentaine d’années.

Emmanuel Macron est le nouveau candidat de la bourgeoisie compradore, celle des « winners » de la mondialisation, celle des « jeunes cadres dynamiques » du cosmopolitiquement correct aisé, ces « diplômés » qui rêvent de libre-circulation et pensent en anglais. Très apprécié des médias atlanto-sionistes – certains pourraient arguer du conflit d’intérêt lorsque l’on interroge les liens de l’ancien ministre de l’Economie avec Patrick Drahi ou Laurence Haïm – Macron l’est surtout pour des raisons économiques, tant son inféodation à la politique d’austérité budgétaire de l’Union européenne est prégnante. Quoi de plus logique pour ce bébé (salarié en million d’euros à l’année) de la banque Rothschild lorsque l’on connait l’influence des banques privées sur l’institution située à Bruxelles et axée sur Berlin.

L’ironie tenant à ce que ce positionnement effectivement « ni droite ni gauche » mais véritablement néolibéral et bancaire passe pour de la subversion « antisystème » ! Précisons également que Macron pourrait bien récupérer le vote des bobos, gentiment aiguillés par Hollande. Bref, l’ordre socio-économique en place, celui du CAC40, n’a pas grand-chose à craindre de cette candidature de l’ancien disciple de Jacques Attali et proche de Renaud Dutreil, créateur du RSI, entres autres !

Quant à Manuel Valls, déjà sacrifié, c’est le candidat des élites sionistes d’hier – incapables de se remettre en question en fonction des forces en présence – qui rêvent d’imposer leur modèle « sécuritaire » (comprendre : « de surveillance généralisée ») aux Français ; après avoir servi brutalement une cause qui le dépasse, ses employeurs se débarrasseront de lui, ce qui ne manque pas d’arriver. Sa seule chance d’exister électoralement résiderait dans une nouvelle série d’attentats sur le sol français… Elites économiques, élites sionistes, finalement les deux faces d’une même pièce.

L’extrême gauche est en coma dépassé. Pourquoi selon toi ?

Rongée par ses contradictions-compromissions, ce que l’on nomme communément l’extrême gauche ne défend plus ni le Travail, ni le progrès social, ni les libertés.

Evidemment car les gens qui s’en revendiquent ne sont rien d’autres que les enfants de la métamorphose de la lutte des classes, soit les cadets de la nouvelle classe bourgeoise qui pour cacher leur participation de fait à l’exploitation capitaliste se réfugient dans la véhémence et la scansion de slogan (il n’est même pas question de discours, de critiques ou de revendications) sur des sujets au mieux périphériques et d’arrière-gardes, au pire qui confinent à l’abstraction totale (la lutte pour les droits des intersexués, au hasard). Cela s’appelle l’inconscient de classe et c’est prédominant chez ces gens-là qui sont prêts, dans une démarche quasiment masochiste de fuite du réel, à aller jusqu’à la violence organisée.

Les masses bourgeoises françaises se sont ainsi parfaitement adaptées au règne du libéralisme libertaire qui a réduit – via des agents identifiables – la lutte sociale aux dérives sociétales et narcissiques. L’extrême gauche revendiquée accompagne ces mutations du Capital et n’est plus aujourd’hui qu’un chien de garde du Marché, une armée de sales gosses déconnectés du peuple.

Normalement des métallurgistes de 110 kg (incarnant le papa symbolique qu’ils recherchent) auraient dû fesser ces petits agitateurs depuis longtemps mais l’immigration de masse, la délinquance, la paupérisation, la baisse de qualité des services publics et l’américanisation culturelle ont détruit le mode de vie des travailleurs français à une vitesse telle que certains ont encore du mal à l’admettre.

Plus profondément, je dirais que cela tient au fait que la matrice libérale et son corollaire la société de consommation ont façonné une génération d’hommes désincarnés, inaptes au courage individuel et incapables d’appréhender la dimension révolutionnaire sociale.

Quoi de plus logique, lorsque l’on comprend les finalités et les conséquences de l’anthropologie libérale : négation de l’homme en tant qu’être social ET libre, ce qui ne peut légitimement que donner naissance aux achétypes mutants et avilis que l’on connait malheureusement tous : gauchistes, antifas, féministes et autres transgenres sociologiques.

Melenchon fait-il campagne actuellement sur une ligne populiste pour toi ? Le penses-tu sincère ?

A mon sens, Melenchon est l’une des principales armes du Système pour faire descendre Marine Le Pen de 25 % à 15 %. Après 35 ans de PS et de collaboration européiste, le franc-maçon Jean-Luc, excellent orateur et bon client des médias, vient symboliquement dissuader la ménagère lambda de voter FN, en apportant charge émotionnelle et apparats de révolte sociale (sans oublier la sensibilité écologiste).

En quelques mois, il s’est « patriotisé », car il sait, comme tous, ce que les Français attendent. On l’a ainsi entendu dénoncer pêle-mêle l’OTAN, l’UE, l’euro, puis parler de « récit national » et de souveraineté (ce qui lui fait prendre le risque de perdre ses alliées trotskistes et communistes), allant même jusqu’à oser répondre à Cukierman sur un plateau télé ! *

Mélenchon, sous des oripeaux d’artiste sanguin (la « vie », la « rebelle attitude », la « gauche »…) est en réalité un calculateur froid et un communicant de premier ordre (comme en témoigne son avant-gardisme formel : meeting par hologramme et FAQ format YouTube sur canapé rouge…**) qui produit, selon l’agenda, un joli numéro d’équilibriste politique : discret sur Trump, mesuré sur Poutine et Bachar, savamment silencieux sur sa composante immigrationniste et sur son soutien aux communautarismes sociétaux ; tout le défi sera pour lui de continuer à faire illusion « populiste » sans déclencher une guerre interne avec sa base.

Mélenchon n’est pas le candidat du peuple (rappelons la sociologie réelle de son électotat : bobos retraités, fonctionnaires de l’Education nationale et étudiants en sciences humaines, pas d’ouvriers ni de petits patrons), par contre il est le candidat qui veut s’accaparer les voix du peuple. Mélenchon n’est pas là pour gagner, il est là pour faire perdre Marine Le Pen.

Ton opinion sur Jean-Claude Michea ?

Ce fut l’un des auteurs qui m’a conceptuellement formé, avec Clouscard, Pasolini et Edouard Berth, pratiquement tous rencontrés par le biais des ouvrages salutaires d’Alain Soral.

Michéa est excellent mais il tourne en rond et j’ai la prétention de croire que sa critique théorique et balisée du libéralisme risque de lui faire manquer un wagon de l’histoire ! Il mérite mieux que de passer une fois par an sur France Culture ou de débattre avec Jacques Julliard.

Procès et agressions se multiplient envers les acteurs de la dissidence. Tente-t-on de faire taire ce courant avant les présidentielles ?

La « dissidence » n’existe pas, en terme de structure et d’influence, en dehors d’Egalité & Réconciliation. La direction politique de la France représente encore – et plus que jamais ? – un défi et un enjeu majeur pour l’ordre mondial. Assurément le rapport de force s’entretient à tous les niveaux et le système néolibéral mondialiste ne peut accepter la montée en puissance des forces patriotes sans réagir.

Concrètement, l’urgence, pour l’oligarchie, est d’empêcher la ligne et l’esprit E&R (fidèle à l’esprit français bien compris) de peser de manière officielle au sein du Front national. Le Pouvoir, de plus en plus paniqué, utilise donc différentes armes dans le but de démobiliser le premier site politique de France et l’un des sites d’informations francophones les plus fréquentés (et sans subventions !).

Que t’inspire le cirque médiatique des présidentielles ?

Plusieurs niveaux d’analyse :

  • les médias se nourrissent, comme des vautours, de cette guerre des réseaux qui devrait confiner à la tragédie grecque mais qui laisse au spectateur moyen un « arrière-goût de pisse » comme dirait Dieudonné et l’impression d’asssister de force à un mauvais feuilleton de l’été ; on touche aux limites de la falsification généralisée de la société du spectacle et j’aurais tendance à dire que ceci est plutôt une bonne chose.
  • les médias participent d’une inflation du discours qui consiste à systématiquement psychologiser l’objet d’étude ; c’est la tyrannie du pathos qui produit cette lecture féminine et/ou libérale du politique et en fait un sujet « sensible » (dans tous les sens du terme), conformément à la tendance actuelle du « capitalisme émotionnel » et de la « psychopolitique » dont parle Byung-Chul Han.

  • les médias jouent un rôle important au sein même des élections ; Hollande active les réseaux (publics) dont il jouit pour bloquer Valls et faire monter Macron, Fillon peut compter sur Valeurs actuelles, les combats truqués vont se multiplier pour Mélenchon, les « petits candidats » se battront pour quelques minutes d’exposition, et au milieu de cette aseptisation, Marine Le Pen doit être (de leur point de vue) « gérée »… A cet égard, Donald Trump et sa maîtrise du politiquement incorrect peut être un exemple à suivre.

Il va de soi que les médias meanstream (et j’y intègre leurs tentacules sur Internet et les réseaux sociaux) font partie intégrante du Système et que leur allégeance aux puissances d’argent les fait outrepasser leur rôle social de relais de l’information. Mais ne surestimons pas leur positionnement : si d’aventure un candidat patriote arrivait au pouvoir, une bonne partie de ces tigres de papier se mettrait au garde-à-vous.

Tu animes une nouvelle émission pour E&R. Pourrais-tu présenter son concept ?

Cette nouvelle émission, intitulée « On nettoie l’info », s’inscrit dans le cadre du développement d’ERFM, l’un de nos grands projets pour cette année 2017. Cette radio émettra – via Internet – 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 et l’auditeur y retrouvera l’identité E&R puisque nos exceptionnels archives (conférences, interviews, reportage, « Soral répond ! » et autres « Heure la plus sombre ») y seront diffusées, couplées à des sélections musicales (en priorité celles d’Alain Soral) et des thématiques propres. Guettez cela sérieusement car c’est historique !

Concernant « On nettoie l’info », il s’agit de revenir sur l’actualité du mois écoulé mais débarrassée du vernis, que dis-je, de l’épaisse couche de propagande et de perversité idéologique qu’elle véhicule dans les canaux des médias dominants.

En somme, un décryptage/décapage par la Rédaction d’E&R, média indépendant, pour le coup représentée par le redoutable Dimitri Korias – qui sait très bien de quoi il parle lorsqu’il décrit les moeurs de la presse française – et par moi-même. Le but étant de restituer en une heure la réelle signification des faits les plus importants du point de vue politique.

Question bête pour finir : tu te sens plutôt Charlie ou Chàvez ?

Je me sens assurément Chàvez tant la figure de cet anti-impérialiste conséquent restera un modèle d’intégrité, de détermination, de fidélité et de dévotion à son peuple. Je ne saurais à cet égard que trop vous conseiller la biographie La patrie au coeur de mon camarade et ami Vincent Lapierre, sortie récemment aux éditions Kontre Kulture et accompagnée d’une Anthologie des discours d’Hugo Chàvez et d’un film-documentaire sur le parcours héroïque du président Venezuélien.

Se sentir Charlie est malheureusement pour mes contemporains une imposture et une usurpation, tant le symbole de l’insoumission, de l’impertinence et de l’irrévérence à la française qu’était, dans l’inconscient populaire, Charlie hebdo (ce qui explique la mobilisation des foules) était devenu dans les faits, en l’espace de quelques années, un instrument réel du Pouvoir en place, un Pouvoir anti-Français personnifié par Philippe Val et sa ligne néo-conservatrice atlanto-sioniste.

Cependant, et malgré ce retournement du pays légal sur le pays réel, l’esprit français authentique, radical et subversif existe encore et E&R en est le fer de lance ! Je salue et remercie d’ailleurs votre excellente revue Rébellion, un modèle de pureté !

Note : 

  • Blasphème autorisé, Roger Cukierman passant le relais à Francis Khalifat deux jours plus tard…

** Les équipes de Mélenchon s’inspirent-elles de Dieudonné et Soral ?

 

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