La France cachée, la France rebelle !
En France, on s’acharne à nous faire croire que les classes laborieuses ont disparu, qu’elles furent enterrées par l’Histoire et qu’elles font partie du passé. Mais nous vivons dans cette France cachée, nous connaissons la réalité d’une aliénation que nous sommes de plus en plus nombreux à refuser. La casse de l’industrie, et plus largement de la production nationale, fut rondement menée par la Droite comme par la Gauche, avec la complicité des directions syndicales pour le plus grand profit de notre patronat national.
Un simple chiffre : 2 millions. C’est le nombre d’emplois industriels détruits en France depuis 30 ans. En 1980, l’Hexagone comptait 5,5 millions d’emplois dans ce secteur contre 3,4 millions en 2007.La tendance s’est poursuivie au cours des cinq dernières années, avec près de 190 000 emplois industriels détruits, avec un « pic » au début de l’année 2013. Et les créations d’emplois constatées depuis n’ont pas profité au secteur.
Le capitalisme mène une guerre contre les travailleurs français, sa volonté de mondialiser la France a abouti à une catastrophe sociale et humaine. La France connaît un appauvrissement et un déclin généralisés qui s’accompagnent d’une perte irrémédiable de souveraineté populaire et nationale. La crise a accéléré ce mouvement, elle a précipité les délocalisations et la restructuration de nos économies, la financiarisation permettant un pillage en règle des richesses des pays européens. Faire ce constat ne suffit pas, néanmoins ; il faut comprendre la réalité sociale de notre peuple pour agir concrètement pour sa libération.
Voyage dans la France des travailleurs
Le monde du travail a considérablement changé durant les années 1990-2000, un tissu économique plus diffus a remplacé les grande concentrations ouvrières des usines des années 1950-1960. Des secteurs comme l’agro-alimentaire, le médical ou les technologies de pointe ont remplacé en partie l’industrie lourde. Les conditions de travail n’ont pas changé pour autant. A la pénibilité (la hausse des maladies professionnelles et des accidents du travail est un bon révélateur de la situation) s’ajoutent désormais le stress et la pression de la précarité. « Anciens » comme « jeunes » travailleurs connaissent les répercussions des mesures liées à la recherche de la « flexibilité ». Le chômage de masse (dont les chiffres sont savamment camouflés par les gouvernements successifs) offre la possibilité pour le patronat d’imposer ses règles. La précarité se traduit par les stages, plus ou moins rémunérés, le travail au «noir» et l’entrée, par l’intérim ou des contrats à répétition, sur des postes permanents.
Un tiers des jeunes qui ont un emploi occupent un poste précaire ; contrat à durée déterminée ou emploi aidé, sans compter les stages bidons. La flexibilité de l’emploi concerne plus la tranche des 15-29 ans, mais cette précarité risque de préfigurer la norme de l’emploi de demain avec les nouvelles mesures du candidat Macron.
Loin des élites des grandes villes, le monde rural et périphérique souffre et meurt en silence. Le taux d’ouvriers est de 32% dans la population active des «campagnes», les cadres y représentent à peine 7%. Le taux de pauvreté est sensiblement plus élevé avec 13,7% (au lieu de 11,3%) et les situations des personnes dans cette situation, plus dures que dans les villes. Ne bénéficiant pas du réseau d’aides publiques, elles se retrouvent dans des déserts avec la fin des services publics de proximité (comme les transports ou les postes). Du bâtiment à l’hôpital, des ouvriers agricoles à ceux des multiples petites usines, nous travaillons tous pour des salaires réduits (un quart des 25 millions de salariés, gagne moins de 9000 euros par an, soit environ 750 euros par mois). Mieux formés que leurs ainés, les travailleurs actuels se retrouvent au smic alors qu’ils ont des compétences et des postes plus complexes. Cela hypothèque l’avenir et ouvre la porte à la spirale de l’endettement pour les classes populaires.
Une colère impossible à contenir
A l’aube du XXI ème siècle, un candidat à la présidentielle avait fait campagne avec des belles promesses à la «France qui se lève tôt». Cette arnaque lui a permis d’entrer à l’Elysée et de laisser à la rue ses discours électoraux. Depuis, la classe dominante s’acharne à détruire les conditions de vie des travailleurs. La situation des classes populaires et laborieuses françaises n’intéresse plus personne dans le monde politique et médiatique.
Le système mise clairement sur la «France de Demain» et largue définitivement la classe ouvrière (jugée trop tentée par le vote FN et condamnée socialement par la marche de l’Histoire). Terra Nova, laboratoire d’idée du P « S » au début des années 2000, avait théorise cette nouvelle alliance entre les sociaux libéraux et les minorités porteuses des valeurs de la modernité : immigrés, féministes, homosexuels militants, cadres dynamiques et diplômés…
Nous pouvions lire des propos clairement assumés sur la fin du «consensus ouvrier» de la gauche française dans les écrits de ce «think tank» : « A partir de la fin des années 1970, la rupture va se faire sur le facteur culturel. Mai 68 a entraîné la gauche politique vers le libéralisme culturel : liberté sexuelle, contraception et avortement, remise en cause de la famille traditionnelle… Ce mouvement sur les questions de société se renforce avec le temps pour s’incarner aujourd’hui dans la tolérance, l’ouverture aux différences, une attitude favorable aux immigrés, à l’islam, à l’homosexualité, la solidarité avec les plus démunis. En parallèle, les ouvriers font le chemin inverse. Le déclin de la classe ouvrière – montée du chômage, précarisation, perte de l’identité collective et de la fierté de classe, difficultés de vie dans certains quartiers – donne lieu à des réactions de repli : contre les immigrés, contre les assistés, contre la perte de valeurs morales et les désordres de la société contemporaine. Malgré cette discordance sur les valeurs culturelles, la classe ouvrière continue au départ de voter à gauche, qui la représente sur les valeurs socioéconomiques. Mais l’exercice du pouvoir, à partir de 1981, oblige la gauche à un réalisme qui déçoit les attentes du monde ouvrier. Du tournant de la rigueur en 1983 jusqu’à « l’Etat ne peut pas tout » de Lionel Jospin en 2001, le politique apparaît impuissant à répondre à ses aspirations. Les déterminants économiques perdent de leur prégnance dans le vote ouvrier et ce sont les déterminants culturels, renforcés par la crise économique, «hystérisés» par l’extrême droite, qui deviennent prééminents dans les choix de vote et expliquent le basculement vers le Front national et la droite ».
La Gauche française va faire des règles du système mondialiste son programme. Un article de Julia Cagé, universitaire et proche de Terra Nova, dans le journal économique La Tribune va plus loin. Titré «Pourquoi la France doit continuer à se désindustrialiser», il évoque la nécessité d’en finir avec notre production industrielle pour concentrer toute notre activité économique dans le développement des nouvelles technologies. Cette analyse à courte vue est surtout un bon moyen d’évacuer la question ouvrière d’Europe en la délocalisant vers d’autres pays.
Adieu le système, le peuple revient !
L’orientation programmatique de la Gauche exclue d’écouter dès lors les classes populaires de la France Périphérique. Durant l’ensemble de son mandat, François Hollande va mépriser les « sans-dents » et suivra une politique qui devait conduire les ouvriers et les paysans français à la misère. Sa soumission aux règles de la finance et du mondialisme ne sera jamais remise en questions. Les lois Macron/El Khomri seront la traduction de cette volonté de « libéraliser » le monde du travail.
Mais nos cyniques politiciens et lobbyistes oublient une chose : c’est que les classes populaires et laborieuses françaises sont encore majoritaires dans leur pays. Une colère légitime monte. Ils agitent l’épouvantail du FN, mais la vague qui les emportera est bien plus puissante. Des recompositions politiques et sociales sont en cours.
Si les médias parlent du désarroi des «jeunes des cités», ils n’évoquent jamais la colère qui monte des classes laborieuses périphériques. Une contre-société est en train de naitre dans les marges de cette France des « petits-gens ». La France des villes n’a pas le monopole de la créativité et de la lutte sociale.
Car ce peuple est une force dont le sommeil prend fin. Nous qui faisons partie de ce peuple, nous disons assez ! Nous prendrons en mains notre destin, en l’arrachant des mains du Pouvoir en place. Nous ne voulons pas de la charité du système, nous voulons notre dignité de travailleur ! Notre colère est plus forte que le mépris des classes dominantes !