Pourquoi veulent-ils tuer le français ?

La défense de la langue française est- elle réactionnaire ? Cet article paru dans le numéro 29 Mars/Avril 2008) prouve le contraire.

Devenu sous François I°, par l’édit de Villers-Cotterêts de 1539, langue administrative du pays à la place du latin, le français a été déclaré langue de la République par un décret du 2 Thermidor (20 juillet 1794).Par la suite, le statut de langue de la République attribué au français a été maintes fois rappelé, la dernière fois par la loi Toubon du 4 août 1994 visant à assurer la primauté de la langue française en France. Mais nous constatons que cette primauté proclamée par les textes est dans la réalité de plus en plus menacée par une extension de l’anglais dont nos élites illégitimes se rendent complices.

L’anglais dans l’entreprise

L’anglais est installé et jugé irremplaçable dans une part toujours plus importante de l’activité des entreprises. Les raisons fréquemment invoquées sont que l’internationalisation des échanges impose l’utilisation d’une langue commune, l’anglais, qui envahit le monde du commerce, des affaires, de la diplomatie, de la recherche et des technologies.
Le passage à l’anglais dans les entreprises est aussi favorisé par les fusions ou alliances que la mondialisation implique et ne concerne plus seulement le sommet de l’entreprise. Une bonne maîtrise de l’anglais est de plus en plus exigée pour les cadres supérieurs ou moyens mais aussi parfois pour le personnel d’exécution.
A quelques trop rares exceptions près, les syndicats ne réagissent quasiment pas à cette vaste offensive de l’anglais dans le monde de l’entreprise afin de ne surtout pas paraître rétrogrades, fermés au progrès ou franchouillards. Il faut être moderne !

Valets de l’Empire

Les politiciens, eux, montrent leur volonté d’obéir aux désirs des grands patrons.
Nicolas Sarkozy a ainsi décidé dès sa prise de fonction d’imposer l’apprentissage de l’anglais à l’école dès le CE1 afin de mieux adapter l’offre à la demande des entreprises.
En septembre 2007, l’Assemblée Nationale – faisant fi des avertissements du Comité contre le protocole de Londres qui, par la voix de son président Claude Hagège, a dénoncé « un grave danger pour l’avenir de la langue française dans le domaine scientifique et technique et un vaste programme de domination qui revêt le masque de la mondialisation. » – a ratifié le protocole de Londres qui permet à tous les brevets déposés en anglais d’être applicables en France sans traduction. En février 2008, Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement Supérieur, a exprimé officiellement sa volonté de « faire sauter la tabou de l’anglais » comme langue d’enseignement à l’université1.

Si les atlantistes de droite agissent directement par un travail de sape en faveur de la langue de l’Empire, les atlantistes de gauche ne sont cependant pas en reste de par leurs déclarations. C’est ainsi que selon Bernard Kouchner, « le français n’est pas indispensable, l’avenir de la francophonie, c’est l’anglais ». Il ajoute dans son livre Deux ou trois choses que je sais de nous : «  Nouveau venu dans le gouvernement de la République, j’avais été étonné, en 1988, que l’on insistât sur l’usage obligatoire du français pour les ministres ». Dans sa logique libérale, le français n’est plus rentable : «  Après tout, même riche d’incomparable potentiel, la langue française n’est pas indispensable : le monde a bien vécu avant elle. Si elle devait céder la place, ce serait précisément à des langues mieux adaptées aux besoins réels et immédiats de ceux qui la délaisseraient ». Citons aussi Claude Allègre qui considère qu’il faut « cesser de considérer l’anglais comme une langue étrangère en France. »
De manière plus symbolique mais non moins importante, l’Etat et ses représentants (chef de l’Etat, Premier Ministre, diplomates,…..) n’hésitent plus à s’exprimer en anglais hors de nos frontières. La palme revenant à Madame Christine Lagarde qui va jusqu’à diriger son ministère en utilisant la langue anglaise.

Le tout-anglais est injuste et inefficace

Pour justifier leur collaboration active, les politiciens avancent souvent l’argument de l’efficacité du tout-anglais, pour ne pas devoir avouer qu’ils se plient aux injonctions bruxelloises.
Pourtant, un rapport publié en 2005 par l’université de Genève a établi que le tout-anglais était d’un coût très élevé, sans compter qu’il est très injuste pour les pays d’Europe sauf pour la Grande-Bretagne qui y gagne des milliards de livres. Ce même rapport propose une alternative au tout-anglais : le plurilinguisme ou l’esperanto qui, pour une question de faible coût, d’équité (chaque pays serait à égalité de situation et chaque langue maternelle serait protégée), de précision et de rapidité d’apprentissage pourrait être une solution à privilégier.

Au lieu de combattre le tout-anglais, de défendre notre langue nationale qui est aussi celle de la francophonie (et qui est par exemple bien mieux défendue au Québec qu’en France dans la mesure où la charte québécoise de la langue française – à l’inverse de la charte française – proclame que le français est la langue du commerce et des affaires), au lieu de protéger la diversité linguistique à l’heure où des études montrent que 95% des langues disparaîtront au XXIème siècle à cause de la mondialisation (dont l’UE est le cheval de Troie), la classe politique s’inscrit dans la stratégie collabo du grand patronat qui veut ouvertement faire de l’anglais l’unique langue des affaires et de l’entreprise.

Où est la résistance du peuple de France ?

Face à cette trahison des élus de la Nation, la résignation voire l’indifférence générale l’emportent sur les volontés de résistance et de combat.Un fait essentiel semble en attester : lors d’un Conseil Européen de mars 2006 qui se déroulait durant la semaine de la francophonie, le baron Ernest-Antoine Seillière, patron des patrons « français », n’avait pas hésité à s’exprimer en anglais. Jacques Chirac avait alors su faire preuve d’un relatif courage (ce qui n’est pas arrivé souvent dans sa carrière politique) en quittant la salle avec sa délégation.

Hélas, les réactions n’ont pas été à la hauteur du geste. Les élites et les intellos autoproclamés ont ironisé sur un « geste ringard » et un combat d’arrière-garde. S’exprimer publiquement en anglais était à une époque pas si lointaine considéré comme incompatible avec une fonction de représentant officiel de la France ; aujourd’hui cela est plutôt considéré comme un signe de modernité. C’est ainsi que la nouvelle génération de ministres choisit souvent de parler anglais à l’étranger à l’occasion des points de presse, des conférences,…..
Les « petites gens » n’ont pas relevé le niveau en manifestant leur indifférence entre un haussement d’épaules et deux ballons de rouge (ou deux canettes de coca-cola).

Le rôle essentiel des médias

C’est bien là, la principale différence avec d’autres périodes de notre histoire. Si les élites ont derrière elles une longue tradition de trahison de la Patrie (des éternels Versaillais), les classes populaires avaient toujours su répondre « présent » pour « rester fidèles à la France profanée ».
C’était avant que de grands capitaines d’industrie commencent à posséder des journaux, des radios et des chaînes de télévision, c’était avant que l’information ne devienne plus qu’une simple marchandise ayant pour objectif de conformer l’opinion publique aux idées et aux intérêts des propriétaires des grands groupes.  En parallèle à cette concentration de l’outil médiatique entre les mains de quelques-uns (les plus riches), la télévision a pris une place hégémonique au détriment de la presse d’opinion, facilitant ainsi d’autant plus la transmission de valeurs identiques à l’ensemble de la population. Tout le monde regarde les mêmes programmes, tout le monde est soumis aux mêmes référents culturels et à la même propagande du 20h dont le mépris pour tout ce qui fait la grandeur et la spécificité de la France est une des caractéristiques essentielles.

Guerre totale contre la France

La France est triste, la France est toujours en retard, la France est archaïque, la France n’est jamais suffisamment alignée sur ses voisins, la France est en faillite, la France n’est pas compétitive, la France est surendettée, la France est étouffée par le fiscalisme, la France est refermée sur elle-même, moisie, raciste,……Tels sont les poncifs qui sont inlassablement rabâchés par les médias jusqu’à ce qu’ils deviennent des vérités dans les esprits de bien des gens de bonne volonté.

Ces attaques s’inscrivent dans une stratégie globale qui vise un seul et unique objectif : mater définitivement ce vieux pays contestataire qu’est la France, ce potentiel « mouton noir » qui pourrait avoir la mauvaise idée de montrer la voie d’une alternative au libéralisme. Car malgré la résignation apparente du peuple de France, toutes les enquêtes démontrent que nos concitoyens sont en Europe les plus réfractaires à un libéralisme qui fout le bordel dans tous les domaines, en matière économique et sociale avec sa défense des profits et des actionnaires comme sur le plan des moeurs en désintégrant toutes les structures traditionnelles de notre société ou au niveau identitaire en favorisant l’immigration favorable au capitalisme (libre circulation des travailleurs), le supranationalisme (gouvernance mondiale) et l’uniformisation culturelle.

Nous comprenons ainsi que la défense de la langue française – loin d’être un combat d’arrière-garde ou de vieux croûtons – s’inscrit dans une lutte globale contre le libéralisme et ses conséquences que sont la destruction des acquis sociaux, de la souveraineté nationale, des identités et de la diversité culturelle.

Face à ce libéralisme destructeur, il nous faut opposer un « anti-libéralisme grand angle » corrigeant les lacunes d’une gauche « anti-libérale » qui combat le libéralisme économique tout en favorisant le libéralisme sociétal et en s’inscrivant dans un cadre mondialiste mais aussi celles d’une droite nationale qui combat le libéralisme sociétal et défend le cadre national tout en défendant le libéralisme économique.
Un libéralisme destructeur venant des Etats-Unis qu’un François Mitterrand – parmi tant d’autres – a largement contribué à mettre en place tout au long de sa carrière. Mais se sachant condamné par la maladie et n’ayant donc plus rien à perdre ou à gagner, ce même François Mitterrand a, au soir de sa vie, averti les français du danger par une réplique énigmatique mais révélatrice : « Les français sont en guerre mais ils ne le savent pas, ils sont féroces ces américains »……

JULIEN

  1. Un exemple de la cuistrerie universitaire, la substitution du terme « master » issu des institutions universitaires anglo-saxonnes au terme français de « maîtrise ». Même si l’on désirait un terme commun pour désigner un cursus universitaire analogue dans les pays de l’U.E, il eût été possible de trouver un mot issu non pas d’une origine directe linguistique commune, ce qui est impossible en Europe mais, par exemple, d’une culture commune comme le latin ou le grec. Il fut un temps où l’on parlait encore d’alma mater pour désigner l’Université…

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