Francis Cousin – Commentaires sur l’Extrême radicalité des Temps derniers

Une lecture critique du dernier livre de Francis Cousin par Pierre Lucius. 

Francis Cousin est un docteur en philosophie, ou comme il s’en revendique lui-même, un « philo-analyste ». Critique de la société du spectacle, il se situe dans la filiation du situationnisme et semble aussi proche des thèses de « l’ultra-gauche », communiste de conseil (Pannekoek, Luxemburg…) et autonome. Il se considère lui-même comme un maximaliste, cherchant à retrouver la société originelle de l’Être contre la société de l’Avoir, et luttant à la fois contre l’État, le Salariat et l’Argent. Cet ouvrage, sorti en en 2016 aux éditions Le Retour aux Sources, est son cinquième livre.

Une analyse intelligente…

Francis Cousin, dans ce livre, cherche à lutter contre les mensonges du spectacle marchand, qui s’expriment pour lui de l’extrême-droite à l’extrême-gauche du Capital. Il le fait à travers plusieurs chapitres qui sont autant d’exemples historiques ou contemporains de ces mensonges et des insurrections qui lui ont été opposés (tous abondamment introduit par des citations marxiennes). A ce titre, l’auteur fait des parallèles aussi intéressants que surprenants entre, par exemple, la Croisade des pastoureaux et la Commune de Paris ou entre les Actes des apôtres et la Première internationale. Sa thèse est la continuité historique des insurrections « communiéres » contre la société de l’Avoir en Europe, continent à la pointe de ce combat. Deux insurrections récentes sont des modèles pour lui de la lutte prolétarienne contre la chosification imposée par le spectacle marchand : il s’agit de l’insurrection de Budapest en 1956 (dont il expose l’appel du conseil central ouvrier) et la lutte des ouvriers Peugeot de Montbéliard en 1968. Ces combats sont, de son point de vue, réfrénés par la gauche du Capital incarnée par le PC hongrois pour la première et par la CGT pour la seconde. C’est ici la partie la plus proche des thèses anarchisantes et autonomes, qui ont toujours considéré les partis et syndicats (aussi rouges soient-ils) comme des auxiliaires du Capital bourgeois.

La suite de l’ouvrage se concentre surtout sur l’actualité récente du spectacle et ses techniques de manipulations. Cette analyse est, pour l’essentiel, proche de nos positions. En effet, Francis Cousin montre bien en quoi l’immigration massive encouragée par le Capital et son aile gauche est une arme pour diviser le prolétariat européen et casser l’enracinement des révoltes communiéres dans l’imaginaire des travailleurs. Au sujet de la situation internationale également, l’auteur montre bien l’intérêt spectaculaire du « terrorisme » encouragé en sous-main par le Capital israélo-américain, diversion pratique aux questions sociales. La situation en Ukraine, en revanche, le voit renvoyer dos à dos « capitalisme cosmopolite absolu à la sauce américano-financière contre capitalisme territorial à la mode nationale étatique » ce qui semble quelque peu simpliste.

Enfin, la dernière partie du livre, intitulée : Dia-logue poursuivis est conçue sous forme de questions réponses et approfondit certains points et certaines questions qui lui sont fréquemment posées.

…Limitée par son maximalisme

De mon point de vue, un des principaux problèmes du livre tient à sa nature philosophique : si le lecteur n’est pas familier de ce type d’ouvrage, il risque fort d’être perdu dans les notions avancées par l’auteur, qui se noient souvent dans de longues phrases difficilement compréhensibles.

Mais pour ce qui est des thèses avancées, si elles sont souvent justes, elles pêchent par leur maximalisme absolue : la remise en cause de toute société, dans tous ces aspects, et ce depuis la fin du néolithique ! En effet l’auteur veut revenir à la société de l’Être originel, sans État, argent ou salariat, sans Sacré différencié du Profane (opposé au « sacral » originel inscrit dans la totalité de la vie). De plus, dans sa dénonciation de l’Extrême-gauche du Capital (principalement le capitalisme d’Etat du bloc de l’Est), l’auteur va bien vite en besogne et ne s’encombre pas de nuances, oubliant ce que le régime bolchevique a essayé, sans pouvoir concrétiser, attaqué qu’il était par la quasi-totalité du reste du monde.

Si la valeur des racines historiques de la rébellion du prolétariat européen ne fait pas de doute, considérer le prolétariat asiatique comme une masse a-historique et totalement soumise au despotisme oriental me semble aussi un peu exagéré, eu égard par exemple aux nombreuses révoltes des paysans chinois à travers l’Histoire, voir des grèves dures ouvrières dans cette même partie du monde au XXème siècle. Cette question mériterait d’être clarifiée.

Pour en finir avec les critiques, le portrait relativement méprisant fait de Michéa et Guénon et de leurs thèses semble caricatural et ne sert pas les intérêts de l’auteur.

Pour conclure on peut tout de même recommander la lecture d’un ouvrage qui, s’il n’est pas facile d’accès et assez jusqu’au-boutiste, réserve de bonnes analyses et un point de vue liant Tradition et Révolution dans l’Histoire longue.

Pierre Lucius

Editions Le Retour aux Sources, 442 Pages, 21 euros

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